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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

hypnotique en état de catalepsie, elle se frictionne les mains comme si elle se les lavait, et l’expérience peut se répéter ; il ne faut pas voir là dedans un simple effet de la loi de contiguïté ou de similarité, mais bien une mise en jeu des propriétés du système nerveux dans certaines conditions. Or cette propriété, c’est d’une manière générale de réagir par une activité systématisée, c’est-à-dire de faire entrer l’impression présente dans un système d’images, de sentiments, de volitions, de tendances inconscientes ou d’actes présentant un caractère d’unité. Dans le cas présent, c’est la mise en jeu d’un système acquis qui consiste dans la coordination des mouvements nécessaires pour se laver les mains. Ce n’est ni la contiguïté ni la similarité qui agissent ici à proprement parler, c’est une constitution particulière, un système dynamique des éléments nerveux ou psychiques. Sans doute l’impression ressemble à celle qui amène ordinairement cette combinaison d’actes, de même que la pierre que je jette aujourd’hui dans l’eau ressemble en tant que pierre à celle que j’y jetai hier, mais ce n’est pas cette ressemblance qui fait la nature propre du phénomène, autrement il faudra dire que tous les phénomènes naturels sont produits par une association de similarité, et que si l’encre noire avec laquelle j’écris, noircit le papier, c’est qu’elle ressemble à celle dont je me suis servi autrefois ; et on ne saurait nier que si elle ne lui ressemblait en cela qu’elle est noire, elle ne noircirait pas le papier.

Il ne faut donc pas ramener à l’association par similarité les faits qui nous présentent des phénomènes se produisant d’une manière identique dans des circonstances identiques. Mais il est permis de se demander si toutes ou presque toutes les manifestations de la loi de similarité ou de contiguïté ne se ramènent pas à des faits de cette nature ou à la loi de systématisation. Voici un fait qui aidera à comprendre ma pensée. L’autre jour, je lisais je ne sais plus quel passage d’un livre où se trouvaient les mots à toute heure ». Ces mots réveillèrent en moi quelques phrases de chant prises dans un air de baryton de Rigoletto où se trouvaient les mêmes mots. Il est aisé de voir là selon la méthode associationniste une association par ressemblance suivie d’une association par contiguïté. Les mots écrits réveillent par similarité le souvenir de mots identiques chantés, et les mots chantés par contiguïté les mots qui les accompagnent dans l’air que j’entendis rappellent chanter en moi. Mais il est facile aussi d’interpréter autrement les faits. Il est très probable que ce sont les mêmes éléments nervoso-psychiques qui sont mis en jeu toutes les fois que se présente l’expression « à toute heure », ils sont associés dynaniquement entre eux, mais ils sont aussi dynamiquement associés avec