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LA GÉOMÉTRIE NON-EUCLIDIENNE ET LA THÉORIE DE LA CONNAISSANCE


Les travaux mathématiques sur ce qu’on est convenu d’appeler la « géométrie non-euclidienne », ou encore la « métagéométrie », sont depuis longtemps connus[1], mais il ne nous semble pas qu’on soit parvenu à se faire une idée exacte de leur signification et de leur importance philosophique. Tandis que les uns ont montré le plus vif enthousiasme pour « des spéculations sublimes » et pour leurs auteurs « qui ouvrent la voie à de profondes et fertiles recherches sur l’explication du monde », d’autres ont protesté sans ménagement contre ce qu’ils ont appelé des erreurs ou des chimères. Entre ces jugements extrêmes une foule d’opinions moyennes se sont fait jour, mais la discussion est de celles qui ne se ferment pas aisément et le dernier mot ne sera pas dit de sitôt. À nos yeux, les travaux dont il est question ont avant tout un caractère mathématique, qui fait tout leur intérêt, et limite en même temps leur signification ; c’est ce qu’essayeront de montrer les réflexions suivantes.

I

Parmi les « notions communes » qu’Euclide a inscrites au début de sa géométrie, il s’en trouve une qui, énoncée sous une autre forme, peut au fond se remplacer par celle-ci : Par un point on ne peut mener qu’une parallèle à une droite. Elle est accompagnée de quelques autres de ces propositions qu’on a nommées depuis des axiomes, et auxquelles le géomètre grec donnait sans doute la même importance. Elles représentaient pour lui la quantité indispensable de vérités destinées à servir de fondement à la géométrie. Mais il est arrivé que, tout en prenant Euclide pour modèle, et en n’altérant guère en somme que la forme ou l’ordre des énoncés, les auteurs

  1. Les traductions de Houel ont permis au public français de lire la plupart de ces travaux. D’ailleurs M. Paul Tannery dans la Revue philosophique (1876-1877), Helmhollz dans la Revue scientifique (1870 et 1877) ont achevé de les foire connaître par leurs intéressantes études.