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MILHAUD.la géométrie non-euclidienne

nécessaires et à priori, c’est l’impossibilité où nous sommes de nous écarter, dans l’intuition, des vérités qu’ils expriment. À l’appui de sa thèse, ou plutôt contre celle de Kant, Helmholtz s’efforce donc de créer idéalement l’intuition d’un espace où les axiomes ordinaires ne seraient plus vrais. Il admet qu’un objet inconnu est représentable en intuition, quand sont représentables toutes les impressions sensibles qu’il suscite en nous, suivant les lois connues de nos organes et sous toutes les conditions possibles d’observation ; puis, fort de cette définition, il cherche, entre autres exemples, à énumérer la série des impressions sensibles que produiraient sur nous les phénomènes de l’espace pseudosphérique. Il ne s’agit pas là seulement de la surface de Beltrami ; en introduisant dans ses calculs une variable de plus, le géomètre italien a étendu ses conclusions à ce qu’il a appelé l’espace pseudosphérique. C’est cet espace où Helmholtz nous fait pénétrer.

Pour comprendre son langage, il faut connaître le procédé par lequel Beltrami a obtenu aisément tous ses résultats. Définissant un point de la pseudosphère à l’aide de deux coordonnées u et v, il considère, en même temps qu’un point de cette surface, le point du plan dont u et v seraient les coordonnées cartésiennes. Grâce au choix des coordonnées u et v, il arrive alors que les droites du plan correspondent aux lignes géodésiques de la pseudosphère, et les points d’une circonférence de rayon fini correspondent aux points à l’infini de la surface, de sorte que celle-ci a, dans un certain sens, sa représentation complète à l’intérieur d’un cercle. À deux lignes géodésiques se coupant à l’infini correspondent deux cordes du cercle ayant une extrémité commune ; à deux lignes se rencontrant ou ne se rencontrant pas correspondent deux cordes se coupant à l’intérieur ou à l’extérieur du cercle. C’est de la même manière que l’espace pseudosphérique, où chaque point sera défini par trois coordonnées, trouve une ingénieuse représentation dans l’intérieur d’une sphère.

Cela posé, voici comment, d’après Helmholtz, « les phénomènes d’un monde pseudosphérique apparaîtront à un observateur dont l’œil et l’appréciation se seraient formés dans un espace analogue à notre espace plan. À son entrée dans la pseudosphère, cet observateur continuerait à regarder les rayons lumineux ou les lignes de vision comme des lignes droites, tout aussi bien que dans l’espace plan, et comme elles le sont en réalité dans la représentation sphérique de l’espace pseudosphérique. L’image visuelle des objets dans la pseudosphère lui ferait donc la même impression que s’il se trouvait au centre de la sphère représentative de Beltrami. Les objets