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les plus éloignés lui sembleraient l’entourer à une distance finie, de cent pieds par exemple. Mais s’il se transportait jusqu’à eux, il les verrait s’étendre devant lui et plus en profondeur qu’en surface ; derrière lui au contraire, ils se contracteraient. Il reconnaîtrait l’erreur d’appréciation commise par ses yeux. S’il avait vu deux lignes droites qui lui parussent parallèles jusqu’à cette distance de cent pieds où le monde s’arrête pour lui, il reconnaîtrait en s’approchant que, par cette extension des objets avoisinants, elles s’écartent d’autant plus qu’il s’avance davantage ; derrière lui au contraire, leur distance semblerait diminuer, de façon qu’elles paraîtraient de plus en plus divergentes et éloignées l’une de l’autre. Deux lignes droites, qui, de la première position, lui auraient paru se couper en un seul et même point derrière lui à une distance de cent pieds, en feraient toujours autant, et il aurait beau s’approcher, il n’atteindrait jamais le point d’intersection[1]. »

N’éprouve-t-on pas une sensation de surprise, en passant brusquement de la correspondance analytique, établie par Beltrami entre deux systèmes de coordonnées, à la correspondance effective de deux séries d’impressions ? Est-ce que Helmholtz ne donne pas à son tour une interprétation physique et physiologique de celle de Beltrami ? Son explication n’a de sens que par une hypothèse qu’elle admet implicitement, à savoir que les images représentatives construites par Beltrami à l’intérieur d’une sphère vont devenir des images réelles pour l’observateur qui aura pénétré dans le monde pseudosphérique. Mais alors, si, pour nous donner un exemple d’une série d’impressions différentes des nôtres, Helmholtz nous eût simplement demandé de supposer possibles celles dont il fait l’énumération, on comprend difficilement ce qu’eussent gagné ses arguments au travail mathématique de Beltrami. Qu’importe au philosophe allemand que l’énumération de ces impressions d’un nouveau genre rappelle, par un rapport purement extérieur, quelques propriétés analytiques curieuses ? Tout au plus laissons à ce monde étrange où nous conduit Helmholtz le nom de pseudosphérique, c’est affaire de mot ; mais distinguons bien entre l’espace pseudosphérique du mathématicien et celui du physicien et du physiologue.

Quand c’est à des instruments d’optique qu’a recours Helmholtz pour nous rendre représentables des impressions visuelles non ordinaires, le secours de ces instruments, en réalisant les impressions dans des cas particuliers, éclaire d’un grand jour et appuie solide-

  1. Revue scientifique, juin 1877. Les axiomes géométriques, origine et signification.