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dances, elle déclare accepter les principes de l’histoire des religions, tels que nous les avons nous-même formulés, c’est-à-dire avec exclusion d’une théorie toute faite sur les origines[1]. Le professeur de Louvain déclare, et cette assurance est très flatteuse pour le signataire de ces pages, qu’ « il est certain que les principes de M. Vernes ne tarderont pas à prévaloir au grand avantage de la science des religions, compromise par les procédés arbitraires de ses premiers adeptes. »

M. Colinet rappelle enfin un fait d’une grande importance, qui n’est pas assez connu. M. l’abbé de Broglie, un des premiers qui ont enseigné à Paris l’histoire des religions, a déclaré solennellement qu’il renonçait à démontrer par l’histoire des religions la thèse de la révélation primitive. Voici, dit le professeur de Louvain, le fond de la question. M. de Broglie est un adversaire convaincu de l’école apologétique traditionaliste, de ceux qui prétendent retrouver dans les religions païennes tous les traits défigurés de la religion primitive. » Ces déclarations, et d’autres encore, nous autorisent à dire que le moment est venu de neutraliser le domaine de l’histoire religieuse. Quelle que soit notre origine, quelles que soient nos tendances, catholiques, protestants, libres penseurs, l’étude des religions nous offre à tous un terrain commun de recherches critiques et scientifiques. Il est très agréable pour nous de voir que les efforts qui ont été faits pour écarter certains malentendus, pour supprimer des barrières artificielles et gênantes, sont couronnés de succès, que les représentants des idées traditionnelles répondent aux propositions de travail en commun que nous leur avons faites par des déclarations empreintes du plus grand esprit de modération, de la déférence la plus sincère pour les procédés de la recherche exacte. J’espère qu’on m’épargnera désormais le reproche d’avoir fourni des armes aux adversaires de l’histoire des religions[2] !

Tandis que M. Colinet, de l’université catholique de Louvain, se déclare disposé à étudier les documents, tous les documents de l’histoire des religions dans un esprit de recherche exacte et sans subordonner ses conclusions à l’admission préalable d’une thèse théologique, voici M. Hardy, professeur à la faculté de théologie catholique de l’université de Fribourg-en-Brisgau, qui plaide la cause de l’enseignement de l’histoire des religions dans une leçon d’ouverture intitulée : La science générale et comparative des religions dans les études académiques

  1. Un orientaliste d’une grande valeur, également professeur à l’Université de Louvain, M. C. de Harlez, avait déjà consacré à mes idées, dans un recueil estimé, le Museon (janvier 1887), une étude intitulée : De la méthode dans l’étude historique des religions, où il défendait le même point de vue.
  2. De même qu’on nous a accusé, il y a deux ans, de favoriser la réaction parce que nous demandions qu’on écartât toute espèce d’à-priori du domaine de la recherche exacte en matière d’histoire des religions, voilà que, sur le domaine plus particulier des études de critique biblique, nous encourons aujourd’hui les mêmes reproches pour avoir attaqué les conclusions le plus généralement reçues sur l’origine du Deutéronome et la composition du Pentateuque. Il serait bon d’exclure de la discussion ces arguments extra-scientifiques.