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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

tivement simples s’associent en systèmes, des systèmes d’éléments s’unissent eux-mêmes en des combinaisons plus complexes, et ainsi de suite jusqu’à l’unité suprême qui, si elle existait, ferait l’unité du moi. Mais les mêmes éléments appartiennent à différents systèmes psychiques, une lettre peut appartenir à plusieurs mots, un mot à plusieurs phrases, une phrase à plusieurs volumes différents ; ces éléments ont une tendance à réveiller ceux avec qui ils sont systématiquement associés ; c’est là la loi générale de l’esprit. Quand un groupe de ces éléments est éveillé, il peut rappeler successivement plusieurs des groupes supérieurs dont il fait partie. Quelquefois ce changement est régi par une loi de finalité et il se produit alors une des opérations supérieures de l’esprit ; quelquefois la finalité qui apparaît dans chaque système pris à part, n’apparaît pas dans la manière dont ces systèmes se remplacent autour d’un élément commun et nous avons affaire à une forme inférieure de la mentalité. Mais si la finalité ne se manifeste pas dans la forme de la succession des phénomènes associés, elle n’est certes pas moins évidente dans chaque association.

Telle est la conception générale de l’esprit en général, et en particulier des phénomènes d’ordre inférieur ou morbide dont nous nous sommes occupés en dernier lieu, qu’il me paraîtrait utile de substituer à la conception des associationnistes.

Ce qui précède paraît suffire pour expliquer plusieurs des faits qui ont été rapportés ci-dessus, mais non pour les expliquer tous. Ainsi les associations par contiguïté ne paraissent pas rentrer aussi facilement dans l’association systématisée que les associations par ressemblance. Avec un peu d’attention, il me semble qu’on peut discerner encore ici la part de la finalité immanente de l’esprit ou de l’organisme. Afin de trouver pour les cas les plus difficiles une explication plausible, il convient de commencer par examiner les plus caractéristiques.

Si les deux seuls liens de nos phénomènes psychiques étaient la ressemblance et la contiguïté, il est un grand nombre de faits bien connus qu’on ne pourrait s’expliquer. Tout le monde a pu remarquer que quand une opération suivie était brusquement interrompue pendant quelques instants, il était souvent assez difficile de reconstituer dans l’esprit la scène entière. Si je suis en train à lire ou à écrire, par exemple, et si quelqu’un m’interrompt pendant un temps suffisamment long pour que mon attention se porte tout entière sur l’objet de l’interruption, il me sera assez difficile de reconstituer la série des états psychiques contigus qui seront produits en moi. Je me rappellerai bien que je lisais quand on m’a interrompu,