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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

teur uni à une « forte fille » Ce jeu de mots, que M. Vinson a déniché je ne sais où et que le lexique ne recommande guère, n’est pas d’un effet heureux.

Et cependant le ton du livre de l’honorable indianiste et « anthropologiste » nous semble mou par places. Je ne suis pas sûr que, en dépit des anecdotes peu flatteuses jetées constamment à la face du catholicisme, les révérends pères de la Confessio anthropologica, la sacrée congrégation de l’Index, chargée, nous annonce le catalogue, de « veiller au maintien de l’homogénéité de la doctrine », aient été absolument satisfaits de l’œuvre de M. Vinson. Sans doute, un sourire bienveillant a erré sur les lèvres de ces juges incorruptibles à la lecture de ces fières déclarations (p. xxxi de l’Introduction) : « Toute religion, c’est-à-dire toute conception d’un état ou d’un principe absolu et immuable, est incontestablement mauvaise… » Et à la page xxxii : « Puisque les religions tendent à supprimer l’initiative personnelle, à empêcher la libre recherche et l’étude, à mettre des bornes à l’activité sociale, elles doivent être réputées mauvaises, et il convient de les surveiller, comme on surveille ces établissements industriels, dangereux ou insalubres… » Jusque-là tout est bien. La religion, comparée à un établissement dangereux, insalubre même, soumis à la surveillance des inspecteurs de l’hygiène publique, bravo ! Mais il y a, dans la fin de la phrase, un mot qui gâte tout : « … Ces établissements insalubres, qui peuvent produire des choses utiles, mais qui peuvent aussi causer d’effroyables catastrophes et d’irréparables calamités. » Y pensez-vous, comment avez-vous toléré cette faiblesse, cette concession à d’abominables préjugés ? Quoi ! l’Église catholique, quoi, le christianisme pourrait produire des choses utiles ! Mais alors, permettez-moi de vous le faire remarquer, ils deviennent d’autant plus dangereux qu’on leur reconnaît quelque mérite. Je ne vois pour M. Vinson et pour la congrégation de l’Index, à laquelle celui-ci a soumis son œuvre, qu’une explication il pensait aux religions de l’Inde, pour lesquelles il nous avoue avoir conservé quelque tendresse.

Trêve de plaisanteries. Il ne nous déplait pas que, dans le camp même des adversaires les plus fanatiques de l’idée religieuse, on sente le besoin de se renseigner et de renseigner les autres sur un des côtés de l’activité sociale contemporaine qui continuent de tenir la plus grande place, qu’on déclare que l’anthropologiste n’est complet que s’il connaît et l’histoire et l’état actuel des principales religions. Nous demandons seulement à ceux qui entreprennent cette tâche, aussi belle que difficile, d’y apporter un peu plus de méthode et de discernement que n’a fait M. Vinson. Son œuvre, sans être dépourvue de mérite, — elle contient pas mal de renseignements utiles, — n’est pas de celles qu’on puisse recommander de confiance aux personnes désireuses de s’instruire. Nous voudrions que ce même et très intéressant sujet des « religions actuelles », tentât quelque savant plus rigoureux à la fois dans le choix de ses renseignements et dans leur classement, qui sut aussi faire