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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

sions hâtives. « Les notions élevées, dit-il, dont on a constaté l’existence chez les Mincopies, appartiennent-elles en propre à ces insulaires ? Sont-elles le produit spontané de leurs instincts et de leur intelligence ? Ou bien leur sont-elles venues du dehors ? Ont-elles été apportées aux Andamans par quelque sectateur des grandes religions de l’Orient ? L’islamisme, en particulier, n’est-il pas pour une part dans cette conception d’un Dieu suprême et à peu près pur esprit, qui jure si étrangement avec les superstitions bizarres qui l’accompagnent ? »

Quand même on se trouverait en présence de populations qui paraissent avoir échappé à toute influence extérieure, il sera toujours très délicat de prétendre qu’on a représenté exactement les croyances et les coutumes religieuses des sauvages. Il est excellent d’accumuler les informations, mais les explications qu’on y joint se ressentiront toujours et forcément du caractère du voyageur ou de l’écrivain ; à plus forte raison, les conclusions générales qu’on en voudrait tirer, les rapprochements qu’on est tenté d’échafauder, devront être accueillis avec circonspection. M. de Quatrefages a réuni également des renseignements fort intéressants sur la religion et la mythologie des Hottentots et Boschimans. Sa principale source d’informations est ici un ouvrage récent d’un écrivain anglais, M. Hahn.

Or, il se trouve que cet écrivain, qui paraît d’ailleurs à maints égards bien préparé à sa tâche, est imbu des fallacieuses, des dangereuses doctrines de la mythologie étymologico-météorologico-ethnographique, à laquelle un illustre maître, M. Max Müller, a trop sacrifié. M. Max Müller se plaisait dans le domaine des mythologies qui sont le propre des peuples indo-européens ou aryens ; il y était servi par sa connaissance approfondie du sanscrit, et sauvait l’imprudence de ses théories par l’art de les présenter. Ses disciples, comme il était fatal, n’y regardent pas de si près ; tous les problèmes posés par les religions des sauvages, ceux-ci fussent-ils placés au sud de l’Afrique, se résolvent à coups de dictionnaire et par le secours des mythes naturels. M. de Quatrefages a vu fort clair ici et sa critique des explications de M. Hahn est excellente. C’est là un point de grande importance. La manie d’expliquer ce que l’on connaît très insuffisamment est des plus dangereuses. Nous l’avons signalée et combattue de toutes nos forces ; nous sommes enchanté de voir qu’un naturaliste aussi autorisé que l’éminent professeur au Muséum d’histoire naturelle vienne protester, à son tour, au point de vue de l’anthropologie proprement dite. On nous excusera d’entrer ici dans quelques développements.

« M. Hahn, dit M. de Quatrefages, ne s’est pas contenté de faire connaître les croyances religieuses des Hottentots. Il a voulu les expliquer, et il a été conduit ainsi à une théorie qui repose essentiellement sur des considérations linguistiques. Il cherche dans l’étymologie une interprétation rationnelle des noms des divinités dont il a parlé et pense pouvoir remonter ainsi à l’origine des conceptions mythologiques. »

Suivons à l’œuvre l’ingénieux auteur. « D’après la légende, le Dieu