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ANALYSES.monchamp. Cartésianisme en Belgique.

partie la moins neuve et la moins intéressante de son ouvrage. Les pères Ciermans et Compton, les jésuites qui, chassés d’Angleterre par la révolution, s’étaient réfugiés et établis à Liège, le théologien Froidmont, savant et lettré, qui a commenté les Questions naturelles de Sénèque, ne sont nullement des adversaires méprisables. Un des ennemis les plus acharnés de Descartes à Louvain fut le médecin Plempius, qu’on peut comparer à Voetius, en Hollande, pour la violence et l’acharnement contre sa personne et contre sa doctrine. Il est l’auteur des Fundamenta medicinæ, ouvrage considérable qui eut plusieurs éditions et qui contient non seulement des objections et des attaques contre Descartes, mais toute l’histoire de la persécution du cartésianisme à Louvain, avec le texte de tous les décrets, censures et condamnations dont il a été l’objet.

Ce Plempius, qui avait été d’abord un des amis et des correspondants de Descartes, n’était pas sans quelque mérite, malgré son fanatisme péripatéticien, comme l’atteste la consciencieuse analyse que l’auteur nous donne de sa polémique anticartésienne. Un des points principaux de cette polémique est relatif à la circulation du sang que Plempius d’ailleurs ne nie pas ; ce qu’il met en question c’est uniquement la cause que Descartes lui assigne. Ce qu’il est difficile de pardonner à Plempius, et ce que l’abbé Monchamp ne lui pardonne pas, c’est d’avoir grossièrement plaisanté sur sa maladie et sa mort, dont il se fait un argument ad hominem contre sa physique. « Cum omnia per motum fieri sibi persuaderet, belle secum actum iri existimabat si quam celerrimum eum motum corpusculorum in suo corpore procuraret… Suis insistens principiis et motibus intentus, animam corpore suo movit. Hoc fuit exitium ejus qui ope philosophiæ suæ fere perennitatem spondebat. »

À cette même université de Louvain, où il avait été élève de Philippi, a débuté, comme professeur, un des disciples les plus originaux de Descartes, qui dans cette grande histoire du cartésianisme a sa place marquée entre Descartes et Malebranche ; je veux parler de Geulincx. Nous nous attendions à trouver ici quelques nouveaux détails sur certaines parties de sa vie demeurées obscures, et sur des ouvrages importants qu’il n’est pas facile de trouver en France, par exemple, sur la Metaphysica vera, que nous n’avons pu nous procurer, malgré toutes nos recherches, et que nous ne connaissions que par les citations de Ruardus Andola. Notre attente a été déçue par suite du scrupule exagéré de M. l’abbé Monchamp à ne pas vouloir sortir de la Belgique pour suivre Geulincx en Hollande.

Après avoir enseigné avec succès les idées nouvelles à Louvain pendant douze années, Geulincx se brouille avec ses collègues ; obligé de quitter sa chaire, il s’en va en Hollande, à Leyde, où il se fait protestant, en quoi, étant janséniste, il aurait fait preuve de logique, nous dit l’abbé Monchamp. Pour quelle cause Geulincx a-t-il quitté Louvain ? Est-ce pour des motifs philosophiques, ou pour fuir des créanciers,