Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXV, 1888.djvu/675

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
665
ANALYSES.bourru et burot. La suggestion mentale.

directement sur la peau, tantôt elles ont été placées, soit dans des flacons bouchés ou cachetés avec de la cire, soit dans des tubes scellés. Dans ce dernier cas, elles sont presque toujours restées inactives. L’action est d’autant plus énergique que l’on se sert d’une solution plus concentrée : sa rapidité varie beaucoup d’après le sujet sur lequel on expérimente.

MM. Bourru et Burot rapportent à la suite des leurs et pour les confirmer les expériences de M. Dècle, de MM. les Drs Luys, Chazarain et Dufour, du commandant de Rochas. Ils donnent aussi la description d’expériences qu’ils ont faites à Toulon avec M. le Dr Thomas : chez un sujet hypnotique, Mlle D…, ils ont obtenu à Toulon le sommeil par la morphine, des hallucinations agréables par le chloral, des visions religieuses avec l’eau de laurier-cerise : l’alcool a provoqué l’ivresse avec hallucinations effrayantes. « Les substances médicamenteuses[1] sont demeurées à peu près sans action sur ce sujet quand on les tenait à distance, même si l’on débouchait les flacons, en état de somnambulisme comme à l’état de veille ; au contraire, ces flacons bouchés, mis en contact avec la peau, serrés dans la main, ont produit des actions manifestes, presque exclusivement psychiques, il est vrai. » M. Luys a réussi à provoquer la purgation avec l’huile de ricin, l’exorbitis avec l’essence de thym. M. Dècle a déterminé chez les sujets sur lesquels il expérimentait un sentiment de bien-être avec vision lumineuse par l’oxyde et le protochlorure d’étain le haschich a déterminé toute une série d’hallucinations ; l’émétique, des maux de tête, des nausées et de la diarrhée. M. Dufour a provoqué des nausées chez un malade à l’état de veille, en plaçant sur sa tête un paquet d’ipéca ; un paquet d’atropine a produit une légère dilatation des pupilles ; l’application de racines de valériane a donné au sujet les instincts, les allures et les mouvements du chat ; les feuilles de laurier-cerise ont déterminé chez lui l’apparition de sentiments religieux très vifs. MM. Bourru et Burot ont essayé sur d’autres malades moins sensibles l’action des médicaments à distance : les résultats obtenus sont moins frappants, mais très nets encore cependant. Ils ont remarqué que l’entraînement n’a aucune influence la répétition des expériences ne sert qu’à rendre leurs effets moins faciles à interpréter.

MM. Bourru et Burot croient que les phénomènes qu’ils ont observés sont inexplicables par la suggestion : ils pensent au reste s’être mis à l’abri de toute suggestion verbale, et ils écartent l’hypothèse de la suggestion mentale. Ils rapprochent l’action à distance des substances médicamenteuses et toxiques de l’action des métaux mis en contact avec la peau. Voici l’interprétation qu’ils donnent des phénomènes qu’ils ont observés[2] : « Le muscle serait une pile disposée en tension, dont le courant extérieur aurait pour conducteurs les fibres nerveuses : le courant crée autour des conducteurs un champ électrique dont l’étendue est

  1. P. 85.
  2. P. 253.