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dont il avait déjà fait voir le squelette » [1]. Mersenne, qui connaissait le dessein de Pascal, en avait averti aussitôt ses amis d’Italie, de Pologne, de Suède, de Hollande, etc., et Pascal, dans sa lettre du 15 novembre 1647, annonce à M. Périer qu’il avait fait espérer à « tous nos curieux de Paris » cette expérience nouvelle. Enfin, l’année suivante, lorsqu’il en publia le récit, il rappela qu’on la souhaitait partout, et que « ce souhait universel l’avait rendue célèbre avant que de paraître[2] ». Donc Pascal n’avait pas fait mystère de ses projets ; il parlait ouvertement de cette expérience, pendant près d’un an, lors même qu’on en attendait encore le succès ; preuve assurée qu’il ne craignait pas qu’on lui en contestât l’invention.

Que dit-il ensuite des réclamations de Descartes ? ou plutôt les connut-il seulement ? Elles sont adressées, en juin et août 1649, à Carcavi. Celui-ci envoya à Descartes le récit de la grande expérience qu’il demandait, mais ne communiqua pas sans doute ses lettres à Pascal ; d’autant plus qu’il était alors à Paris, et Pascal à Clermont en Auvergne avec toute sa famille, depuis le mois de mai 1649. Descartes lui-même quitta la Hollande pour la Suède en octobre, et mourut peu de temps après à Stockholm, en février 1650. Pascal et son père eurent de ses nouvelles par M. Chanut, ambassadeur, qui mandait à M. Périer plusieurs expériences du vide faites par lui et le philosophe sous le climat du nord[3]. Il leur apprit bientôt sa mort : « Je soupire encore, disait-il, en vous l écrivant, car sa doctrine et son esprit étaient encore au-dessous de sa candeur, de sa bonté et de l’innocence de sa vie[4]. » Ce bel éloge de Descartes était envoyé à

  1. Lettre manuscrite du 6 avril 1648, citée par Baillet (t.  II, p. 380, ib.).
  2. Œuvres de Pascal, petite édit. in-18, Hachette, t.  III, p. 140. — Gassendi avait été prévenu également de l’expérience par Adrien Auzout : « Nempe eruditus Auzotius narravit, cùm adhuc Parisiis versarer, dedisse illum (eximium seu incomparabilem potius adolescentem Paschalium) operam, ut id negotii in Arvernid, ubi montes præalti sunt, executioni demandaretur. » (Gassendi, Opera omnia, t.  I, p. 241, col.  2, Lyon, 1658.)
  3. En même temps, M. Périer faisait de nouvelles expériences à Clermont, du commencement de l’année 1649 jusqu’au dernier mars 1651. « M. Pascal, dit-il, me manda de Paris que non seulement la diversité des lieux, mais aussi la diversité des temps en un même lieu, selon qu’il faisait plus ou moins froid ou chaud, sec ou humide, causaient de différentes élévations ou abaissements du vif-argent dans les tuyaux. Pour savoir si cela était vrai….. » (P. 147, t.  III de l’édit. in-18.) Pascal put faire lui-même ces expériences avec M. Périer, de mai 1649 à nov. 1650. — À ce propos, Bossut remarque, dans sa préface de 1779, que « Pascal se hâta de conclure, d’après quelques observations sans doute peu « exactes, ou d’après une théorie qui ne l’était pas davantage, que l’air devient plus pesant, à mesure qu’il est plus chargé de vapeurs ; car il arrive au contraire « le plus souvent que le baromètre descend dans les temps pluvieux. » (Œuvres de Pascal, t.  1, p. 33, La Haye, 1779.)
  4. Lettre du 28 mars 1650 (t.  III, p. 149 de la petite édit. in-18 des Œvres de Pascal). — Je lis avec M. Ravaisson candeur au lieu de grandeur. Le séjour de