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ADAM.pascal et descartes

Hollande, il prit plaisir à la répéter lui-même l’hiver suivant, avec l’abbé Picot, et plus tard en Suède avec M. Chanut. Il est vrai qu’à Stockholm il imagina une disposition ingénieuse de l’appareil pour mieux observer les changements de niveau : le tube avait « une retraite et un gros ventre à la hauteur où monte le vif-argent », et on mettait de l’eau sur celui-ci jusqu’au milieu de la hauteur qui restait au-dessus[1]. Ce perfectionnement indique un expérimentateur habile. Mais M. Petit, par exemple, en eût fait autant. M. Auzout, le même qui faisait demander à Descartes pourquoi il n’admettait pas la colonne d’air, ne raconta-t-il pas beaucoup plus tard à Baillet que c’était lui qui avait donné à Pascal la première idée de l’expérience du Puy-de-Dôme[2] ? Et Auzout prouva du moins par le micromètre à fils mobiles pour mesurer les diamètres apparents des corps célestes qu’il n’était pas incapable d’invention. Il ne réclama pas cependant, que nous sachions, lorsque Pascal s’attribua l’honneur de la découverte « sur l’équilibre des liqueurs » ; et il eut raison, car cette expérience toute seule n’est presque rien, on va s’en convaincre, si l’on songe au parti merveilleux que l’esprit scientifique de Pascal sut tirer de là.

VII. Fausseté du principe péripatéticien, que « les éléments ne pèsent pas dans eux-mêmes ».

Pascal avait composé deux petits Traités de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air, qui ne parurent qu’en 1663, l’année qui suivit sa mort. Mais, nous dit M. Périer, ils étaient prêts à imprimer « depuis plus de douze ans ». Cela nous reporte à 1651, et le 25 juin 1651, en effet, Pascal, dans une lettre à M. de Ribeyre, annonçait un traité où l’on verrait les conséquences très belles et très utiles de l’expérience du Puy-de-Dôme. Lui-même l’avait appelée en 1648 « la grande expérience de l’équilibre des liqueurs ». Enfin, dès 1647, il la présentait dans sa lettre à M. Périer, comme « un cas particulier d’une proposition universelle de l’équilibre des liqueurs ».

    fut supprimée en août 1648. Remarquons d’ailleurs que toutes les instructions étaient données à M. Périer depuis novembre 1647 pour l’expérience du Puy-de-Dôme, et qu’un nouvel entretien de Pascal et de Descartes n’y eût rien apporté de nouveau. Enfin Descartes, dans ses deux lettres à Carcavi, écrites l’été de 1649, ne parle que de l’entretien qu’il avait eu deux ans auparavant, c’est-à-dire en septembre 1647.

  1. Lettre de M. Chanut à M. Périer, datée de Stockholm, le 24 sept. 1650.
  2. Baillet, Vie de M. Descartes, 1691, t.  II, p. 330, à la marge.