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ADAM.pascal et descartes

ni légère dans l’eau, parce que le plongeur qui est au fond de l’eau ne sent pas le poids de l’eau qui est au-dessus de lui, et que l’air ne pèse pas dans l’air, parce qu’une outre gonflée pèse autant que dégonflée. Descartes, qui lut aussi des ouvrages de Stevin, mais rapidement et sans grande attention, n’en fut pas frappé davantage, et dans deux lettres au P. Mersenne, du 16 octobre et du 25 décembre 1639, il explique à sa manière, qui n’est pas la vraie, pourquoi un homme au fond de l’eau n’est pas écrasé par le poids de toute la masse qu’il supporte. Enfin Mersenne publia en 1644, sous le titre de Pensées physico-mathématiques, un recueil de toutes les opinions courantes, celles de Galilée, de Stevin, et de bien d’autres, mais où il continuait d’affirmer pour son compte que l’eau ne pèse pas dans l’eau[1].

Devant cette persistance d’un faux principe et l’incertitude des explications nouvelles que quelques-uns proposaient, Pascal eut vite pris son parti. Il regarda comme une fausseté que les éléments ne pèsent pas dans eux-mêmes et entreprit de l’établir. Ni Desc artes, ni Galilée ne pouvaient l’aider en cela, ni personne, excepté Stevin. Avait-il lu les ouvrages de ce dernier ? on peut le croire, car ils furent d’abord traduits en latin, de 1605 à 1608, puis en français l’année 1634[2]. Pascal n’avait alors que onze ans ; mais son père, qui l’avait emmené à Paris et qui était tout entier à son éducation, lut sans doute lui-même et lui fit lire plus tard le nouvel ouvrage. Encore ce mérite resterait-il à Pascal d’avoir compris l’importance de ce qu’il lisait, lorsque Galilée ni Descartes ne semblent pas l’avoir remarquée.

Toutefois, en même temps qu’un fait nouveau venait fournir à l’hydrostatique sa base, les raisonnements d’Archimède étaient enfin rendus à la lumière, ces raisonnements à qui ne manquaient, pour devenir une science solide, qu’un point d’appui dans l’expérience. Dès 1543, en Italie, Tartaglia commença à publier une traduction latine de plusieurs ouvrages d’Archimède, entre autres le traité des corps flottants. En 1565, Commandin la publia entièrement, et bientôt après Galilée devait en faire son étude. Mais, chose bizarre, lui qui trouva des démonstrations nouvelles sur l’équilibre des fluides avec les solides qui y sont plongés, ne sut pas voir ensuite le fait qui pouvait leur servir de fondement. Et Stevin lui-même, qui avait découvert ce fait, ne songea pas à édifier là-dessus les raisonnements

  1. Ib., mai 1869, p. 357 et 360, et juillet 1869, p. 15-17.
  2. Les Œuvres mathématiques de Simon Stevin, de Bruges, le tout revu, corrigé et augmenté par Albert Girard, Samielois, mathématicien. (Leyde, 1634, 2 in-fol.)