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mathématiques qu’il imagina aussi sur les conditions d’équilibre[1]. Seul Pascal combina des raisonnements, comme ceux d’Archimède, avec des expériences, comme celles de Stevin, et se servit de celles-ci pour étayer les autres. Tandis qu’en cette occasion Galilée se montrait plutôt géomètre, tandis que Stevin était à la fois géomètre et physicien, mais comme si ces deux hommes restaient séparés en lui, Pascal le premier sut être l’un et l’autre tout ensemble.

Suivons le maintenant jusque dans le détail de ses petits traités. Il paraît d’abord ne songer qu’à l’équilibre des corps dans l’eau ou sur l’eau. Pour cela il commence par établir que la pesanteur et pression de l’eau sur n’importe quel objet dépend de deux choses, l’étendue de la surface pressée et la hauteur du liquide au-dessus jusqu’à son niveau. C’est ce qu’on peut vérifier au moyen de plusieurs tuyaux dont le fond est toujours le même, mais dont la forme et la largeur varient extrêmement. Et généralement, lorsqu’un vaisseau plein d’eau a des ouvertures et des forces à ces ouvertures qui leur soient proportionnelles, elles sont en équilibre ; et c’est, dit-il, le fondement et la raison de l’équilibre des liqueurs[2].

Il considère ensuite, non plus ce qui se passe aux parois ou sur le fond du vase, mais au milieu même de la masse d’eau que celui-ci contient. Si on y plonge un corps dur, par exemple un morceau de cuivre, de bois ou de cire, comme l’eau touche ce corps par-dessus, par-dessous et de tous les côtés, elle doit aussi le pousser vers le bas, vers le haut et vers tous les côtés. Or sa hauteur jusqu’au niveau est la mesure de la force avec laquelle elle le pousse. Cette hauteur étant égale sur tous les côtés, l’eau les pousse donc également, si bien que le corps ne bouge pas plus « qu’une girouette entre deux vents égaux ». Mais l’eau a plus de hauteur sur la face d’en bas que sur celle d’en haut : elle pousse donc plus vers le haut que vers le bas, et avec une force que mesure précisément la différence des deux hauteurs de l’eau, c’est-à-dire la hauteur ou l’épaisseur du corps lui-même. Celui-ci se trouve donc au milieu de l’eau « comme dans un bassin de balance, dont l’autre serait chargé d’un volume d’eau égal au sien ». Par conséquent, si ce corps est de cuivre

  1. Rev. archéol., avril 1869, p. 284-285 et p. 290-291. Stevin démontrait « qu’un corps solide, multigrave à l’eau, submerge jusques au fond ; qu’un corps solide, parigrave à l’eau, se tient dans icelle en telle disposition et lieu qu’on voudra ; qu’un corps solide, minugrave à l’eau où il gît, est équipondérant à l’eau de laquelle il occupe le lieu. » Mais Boyle plus tard trouvait que sa démonstration n’est ni claire ni physique. Stevin aurait pu l’établir en considérant la pression exercée par le fluide ; mais il n’a pas cru pouvoir faire usage de ce principe qu’il avait pourtant découvert.
  2. Traité de l’équilibre des liqueurs, c. I, II, III et IV.