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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/463

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e. de roberty. — de la théorie de la connaissance

nomme l’activité réflexe inconsciente, vaste domaine dans lequel la psychologie doit s’efforcer de pénétrer le plus possible, car le succès futur dépend de cette première conquête[1]. Or tous ces faits sont essentiellement homogènes et n’autorisent en aucune manière la séparation absolue du moi et du non-moi.

Une pareille différenciation se produit, néanmoins, chez tous les êtres organisés d’une certaine façon. D’externe le mouvement devient d’abord interne, sans perdre pour cela son caractère inconscient. L’idéation inconsciente constitue la condition primordiale de l’idéation consciente.

Une multitude de tubes nerveux juxtaposés et connus sous le nom de fibres blanches convergentes relient les noyaux opto-striés, siège de l’idéation inconsciente et point de départ des réflexes également inconscients, à une couche de substance grise, mince, onduleuse, continue, qui forme ce qu’on appelle l’écorce cérébrale ou la périphérie corticale du cerveau. Ce nouvel amas de substance grise sert à son tour de siège à un phénomène, une excitation, un mouvement qui prolonge ou répète, en lui donnant une forme à la fois plus succincte et plus stable, le phénomène, l’excitation, le mouvement immédiatement antérieur. L’idéation inconsciente se caractérise surtout par ceci, que les sensations et les actes réflexes qui en résultent ne font que traverser les noyaux opto-striés sans s’y attarder et sans y former des systèmes quelconques d’idées. La conscience semble, au contraire, résider essentiellement dans la systématisation ou la liaison des mêmes éléments intellectuels (sensations, actes réflexes). Elle conserve, elle emmagasine d’une façon plus ou moins durable l’énergie qui, des corps opto-striés, passe dans les circonvolutions périphériques.

La conservation de l’énergie ou du mouvement, le souvenir, et la liaison des parties distinctes, des afflux successifs de cette même énergie, la conscience proprement dite, peuvent constituer un seul phénomène ou deux phénomènes différents, il n’importe. En tout cas, le moi ou, plus strictement, la notion du moi ne peut être que cette liaison (ou cette mémoire) de certaines idées, de certaines sensations, de certains actes qui, avant leur union et leur conservation par l’écorce cérébrale, formaient, dans les centres profonds du cerveau, des idées, des sensations, des actes inconscients, c’est-à-dire une série de phénomènes objectifs. Et avant de devenir des idées

  1. L’activité réflexe inconsciente peut se définir encore : une libération du mouvement extérieur temporairement emprisonné dans les cellules de la substance grise centrale et se frayant une voie, rétrogradant vers les milieux de son action primitive.