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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/464

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inconscientes, ces virtualités intellectuelles étaient, dans toutes les autres parties de l’organisme et dans tous les milieux quelconques qui l’environnent, des manifestations d’énergie ou des mouvements, c’est-à-dire encore des phénomènes objectifs.

On peut donc affirmer, en définitive, que si l’univers se compose de deux moitiés, elles forment un circuit ininterrompu. L’énergie ou les énergies se détachant des milieux cosmiques traversent les centres profonds du cerveau et y déterminent les phénomènes de la mentalité inconsciente. Une fois produite, celle-ci se divise en deux courants. L’un remonte directement à sa source et redevient ce qu’il était auparavant : une énergie cosmique. L’autre fait un crochet, un détour, il passe préalablement par les couches superficielles de la substance grise du cerveau, il y détermine la mentalité consciente (volonté, mémoire, etc.). Mais il n’en est pas moins dépensé, il n’en retourne pas moins en grande partie, tant que dure la vie organique, et totalement, quand la vie cesse, à la même origine ; il redevient également de l’énergie cosmique. D’ailleurs, des causes et des influences nombreuses, les unes normales et les autres pathologiques, interviennent, régulièrement ou accidentellement, à la seule fin d’empêcher cette bifurcation de se produire. Elles obstruent l’accès des couches corticales, elles forcent la totalité ou la presque totalité de l’idéation inconsciente à rebrousser chemin, pour ainsi dire, sans traverser l’état de mentalité consciente. Le sommeil, les maladies diverses, l’hypnotisme, etc., sont les manifestations les plus ordinaires de ces causes lointaines.

Physiologiquement, le moi se réduit donc entièrement au non-moi. On nous objectera sans doute que, pour aboutir à cette conclusion apparemment matérialiste, nul besoin n’était d’opposer la science à la philosophie, ni surtout de venir déclarer que, transposées de la seconde dans la première, les formules vides et creuses se remplissaient comme par enchantement et devenaient des extensions réelles du savoir. On oublie, en parlant ainsi, le reproche fondamental que nous adressons à toute métaphysique, y compris le matérialisme. On oublie que l’erreur la plus grave des anciens systèmes fut de confondre la science avec sa coordination philosophique, de nous présenter des conclusions particulières comme des conclusions générales ou même universelles.

On oublie aussi que, loin de constituer une vérité scientifique de la dernière évidence pour tout esprit non prévenu, la conclusion physiologique n’offre qu’une simple supposition étayée, à part quelques faits bien constatés, sur un grand nombre d’autres hypothèses, les unes plus générales ou appartenant à des sciences plus