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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/466

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Mais demandons-nous plutôt où réside la différence morphologique et fonctionnelle que l’hypothèse particulière elle-même se plaît à reconnaître entre les faits culminants de conscience qui constituent la notion du « moi », et les faits primordiaux d’inconscience compris sous la dénomination générique du « non-moi » ? L’étude de cette différence nous donnera peut-être la clef du problème. Elle nous facilitera la découverte des origines de l’illusion si tenace qui consiste à doubler le monde d’un Dieu, la nature d’une « nature naturante », et le phénomène d’une essence nouménale.

III

Sauf erreur involontaire de notre part, nous croyons pouvoir résumer comme suit le rôle des idées conscientes vis-à-vis de l’inconscient, de la masse des sensations et représentations qui, se distinguant à peine des événements extérieurs, s’y joignent régulièrement pour former ce que nous appelons l’univers objectif.

Quantité infinitésimale au regard d’une quantité infiniment grande à laquelle elles servent de symboles, de signes, de substituts, les idées conscientes sont l’alphabet télégraphique, l’écriture sténographique du cosmos. Elles constituent une application frappante du principe de moindre résistance, elles réalisent une économie immense de force, de temps, d’espace. D’autre part, et d’après la structure même de l’encéphale, il semble manifeste que la perception extérieure, le passage, en afflux successifs, de l’énergie cosmique par la voie si extraordinairement angustiée des lobes cérébraux, s’effectue seulement grâce à la fixation du mouvement initial ou externe, si minime que soit la partie fixée. Ainsi retenue, l’énergie s’emmagasinerait peu à peu dans l’écorce cérébrale et y déterminerait les phénomènes d’idéation, de mémoire et de volonté conscientes qui se produisent seulement tant que persiste la vie ou même la santé de l’organe correspondant. Quant à la liaison ou systématisation des parcelles distinctes du mouvement emmagasiné, elle résulterait surtout de leur extrême rapprochement dans les circonvolutions cérébrales. Enfin des procédés identiques d’excitation externe et de rétention interne serviraient à renouveler sans cesse, à retoucher et à reburiner cette « micrographie » de l’univers[1].

  1. Tout ce que nous savons sur l’activité inconsciente de l’esprit tend à confirmer cette manière de voir. Le travail cérébral se poursuit alors même que la conscience a complètement disparu. Une véritable collaboration s’établit entre ces deux ordres d’activité mentale. Les éléments inconscients de l’esprit se combinent pour former des idées qui jaillissent comme des clartés soudaines, ou