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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/525

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ANALYSES. — bernheim. Hypnotisme, Suggestion, etc.

croira pas ; il sait qu’il peut remuer son bras et il le prouve en le remuant. Si je dis à un malade paralysé du bras : « vous pouvez remuer le bras », ce malade ne me croira pas et fera des efforts infructueux pour mouvoir le membre. »

Il faut donc qu’à la suggestion s’ajoute un état cérébral particulier du sujet : il faut que le sujet croie. La crédivité est inhérente à l’esprit humain, mais cette crédivité est limitée et, dans la plupart des cas, elle ne suffirait pas pour faire accepter et réaliser la suggestion. En effet la raison intervient et neutralise la suggestion ; le contrôle cérébral exerce son action modératrice et combat la crédivité ; l’idée suggérée n’est pas acceptée. Il faut donc, pour que l’idée se réalise, pour que la suggestion produise tout son effet, renforcer la crédivité et atténuer ou supprimer le contrôle cérébral. C’est ce qui arrive par exemple dans le sommeil naturel, dans lequel le contrôle cérébral fait défaut. Les rêves sont la traduction en images extériorisées de ces impressions et idées désordonnées, incohérentes, qui se réveillent pendant le sommeil au hasard de la vie végétative et Imaginative ; la raison n’est plus là pour les contrôler ; elles s’imposent à l’esprit avec toutes leurs absurdités, avec toutes leurs contradictions. Le sommeil, en supprimant le contrôle, crée la suggestibilité.

Mais à l’état de veille, le contrôle existe. Pour faire accepter l’idée, il faut accroître la crédivité. Le premier moyen, le plus employé, le plus puissant, quand il agit sur des âmes croyantes, c’est la suggestion religieuse. La foi soulève des montagnes, la foi fait des miracles, parce que la foi est aveugle, parce qu’elle ne raisonne pas, parce qu’elle supprime le contrôle et s’impose à l’imagination. Les guérisons miraculeuses ne sont pas toujours des inventions ; ce sont des guérisons par suggestion que l’ignorance des uns a transformées en miracles, le scepticisme des autres en impostures. Ni supercherie, ni miracle.

Mais la foi n’est pas à la portée de tout le monde, et il faut bien avoir recours à d’autres moyens. Parmi ces moyens, l’hypnotisme est certainement le moyen le plus puissant d’augmenter la crédivité. C’est l’adjuvant le plus efficace, souvent le seul efficace de la suggestion.

Toutes les définitions de l’hypnotisme se réduisent en dernière analyse à ceci : sommeil artificiel, nerveux ou provoqué. L’auteur adresse plusieurs critiques à cette définition. Il fait remarquer d’abord que tous les phénomènes de l’hypnose peuvent exister sans sommeil. En outre nous ne connaissons pas l’essence du sommeil physiologique ; nous ne connaissons que ses symptômes apparents, et tant que nous ne connaîtrons pas exactement ce qu’est le sommeil physiologique, et quelle est sa nature, nous ne sommes pas autorisés à dire que le sommeil apparent des hypnotisés est un sommeil réel. On voit que sur ce point il y a désaccord entre M. Bernheim et M. Liébeault (Voir la Revue philosophique de janvier 1890). Le mieux serait donc, d’après M. Bernheim, de supprimer complètement le mot hypnotisme et de le remplacer par celui d’état de suggestion. Cependant, si l’on veut conserver le