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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/526

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mot hypnose, état hypnotique, il le définirait ainsi : état psychique particulier, susceptible d’être provoqué, qui met en activité ou exalte à des degrés divers la suggestibilité, c’est-à-dire l’aptitude à être influencé par une idée acceptée par le cerveau et à la réaliser. Les phénomènes hypnotiques ne sont en réalité que des phénomènes de suggestion.

M. Bernheim passe ensuite en revue les divers procédés employés pour produire l’hypnose par les anciens magnétiseurs, et montre comment les manipulations bizarres et complexes qu’on croyait nécessaires autrefois, se sont simplifiées peu à peu pour aboutir au procédé suggestif de l’Ecole de Nancy. Tous ces procédés si différents cependant les uns des autres peuvent réussir et, s’ils réussissent, c’est qu’un seul procédé intervient en réalité dans tous, la suggestion.

Je glisserai rapidement sur les pages dans lesquelles l’auteur étudie les manifestations de l’état hypnotique et ne le suivrai pas dans ses descriptions devenues aujourd’hui classiques ; je ne parlerai que de l’état de la conscience dans l’hypnose. Il y a là un fait important sur lequel M. Bernheim insiste avec juste raison et qui donne la clef d’un certain nombre de phénomènes qui paraissaient jusqu’ici inexplicables.

« En le voyant (le sujet) ainsi impassible, sans mouvement, sans expression, l’aspect indifférent à ce qui se passe autour de lui, à ce que je dis, vous pourriez croire qu’il est inconscient, qu’il est dans un état semblable au coma, que ses sens sont fermés à toute impression.

« Cette idée d’inconscience pendant l’état dit léthargique existe encore chez beaucoup d’observateurs ; elle a été la source de toutes les erreurs qui ont été commises. Le sujet est conscient ; il l’est à toutes les périodes, à tous les degrés de l’hypnose ; il entend ce que je dis, son attention peut être dirigée sur tous les objets du monde extérieur. L’inconscience hypnotique, le coma hypnotique n’existent pas. À son réveil, il ne se souviendra de rien, mais je pourrai… évoquer le souvenir de tout ce qui s’est passé en lui et autour de lui alors que rien dans son masque ne trahissait son activité psychique. »

La huitième leçon traite des suggestions criminelles. Il y a là un des plus redoutables problèmes qui puissent se dresser devant nous, car il ne s’agit de rien moins que de la question de la responsabilité. Et l’on sait quelles peuvent en être les conséquences, non seulement au point de vue philosophique, mais au point de vue de notre système de législation criminelle. Ce n’est pas par des clichés de convention ou par des lieux communs judiciaires que la question peut être tranchée, mais par des faits bien observés. C’est au législateur à prendre ensuite telles mesures qui lui paraîtront nécessaires pour sauvegarder les intérêts de la société.

La première question qui se pose est la suivante : Des crimes peuvent-ils être commis par suggestion ?

L’École de Nancy, on le sait, répond par l’affirmative. Les expériences