Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
518
revue philosophique

exemples salutaires, par la crainte du châtiment, faire aussi de la suggestion utile. Mais peut-elle toujours juger en connaissance de cause ? Appelé à me prononcer sur la culpabilité réelle d’un criminel, j’avoue que souvent, en mon âme et conscience, je ne pourrais formuler un verdict ; les éléments d’appréciation me feraient défaut pour résoudre cette grave question. Je ferais de la justice humaine et ce n’est pas toujours la justice. »

Ces paroles du Dr Bernheim, je les signerais des deux mains. Joseph de Maistre, ce puissant esprit qui a mêlé beaucoup de vérités à beaucoup de paradoxes, a écrit quelque part cette phrase : « Je ne connais pas l’âme d’un coquin, mais je connais l’âme d’un honnête homme, c’est hideux. » Il allait peut-être un peu loin. Mais que chacun de nous descende en lui-même, qu’il s’étudie, qu’il s’analyse, qu’il recherche ces instincts cachés, ces germes latents déposés en nous par le lent travail de l’hérédité et de l’atavisme, il retrouvera en lui, à l’état virtuel, embryonnaire, pour ainsi dire, les instincts, les passions, les impulsions qui font les criminels. Le milieu, l’éducation, les bons exemples, la raison chez les uns, la religion chez les autres, ont fait leur bienfaisant office ; la bête féroce qui sommeille en nous a été muselée. Mais supposons-nous nés de parents criminels ou alcooliques, élevés dans un milieu de vice et de débauche, n’ayant eu sous les yeux que de mauvais exemples, dépourvus de toute instruction, exposés à toutes les suggestions de la misère et à toutes les tentations, que serions-nous devenus ? Et le plus honnête d’entre nous peut-il affirmer qu’il n’aurait pas succombé ?

Les dernières leçons sont consacrées plus spécialement à la thérapeutique suggestive, à ses principes, à ses indications, à son utilité. Cette partie s’adresse surtout aux médecins. Je n’en retiendrai que les pages dans lesquelles l’auteur étudie les relations de l’hypnotisme avec rhystérie. Il attaque, avec raison suivant moi, la distinction du grand et du petit hypnotisme et s’inscrit surtout contre cette loi posée par l’Ecole de la Salpêtrière qu’il n’y a d’hypnotisables que les hystériques ou les candidats à l’hystérie. Cette loi, dont toutes nos observations démontrent la fausseté, a été le plus grand obstacle au progrès de la science hypnotique. Les recherches de M. Bernheim lui ont du reste démontré que la distinction faite par l’Ecole de la Salpêtrière entre la grande et la petite hystérie n’est pas plus juste que celle qu’elle a voulu établir entre le grand et le petit hypnotisme, et que les quatre périodes données comme caractéristiques de la grande hystérie sont loin d’avoir la régularité classique. Là encore, à l’insu de l’observateur, la suggestion a joué son rôle.

La dernière moitié du volume est consacrée, comme je l’ai dit plus haut, aux observations cliniques. Quoique cette partie intéresse surtout les médecins, la lecture de ces observations ne laisserait pas d’être utile à tous ceux qui s’occupent de psychologie et d’hypnotisme. Quelques-unes sont très curieuses.