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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/530

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placé la plupart du temps par état suggestible, état de sommeil, etc. Mais en somme la doctrine de l’auteur, telle qu’il l’a formulée en 1866, reste debout, sans changement notable ; peut-être pourrait-on seulement y constater une accentuation dans le sens de la suggestion.

Je reviendrai plus loin sur les additions.

Les trois premiers chapitres, qui renferment toute la théorie de la thérapeutique suggestive, sont consacrés au moral cause de maladies, au moral cause de guérison et au mécanisme intime des guérisons pendant le sommeil. Je passerai rapidement en revue, d’après le texte de l’auteur, ces différents sujets, en me limitant autant que possible au point de vue psychologique. L’auteur reconnaît trois modes principaux de développement des maladies par causes morales.

Dans le premier groupe se placent les maladies produites par un exercice plus ou moins prolongé de l’attention sur des idées pures ou des idées-images sans accompagnement d’émotion appréciable. Ces maladies sont l’effet d’une tension volontaire ou involontaire de l’esprit. Elles arrivent involontairement, lorsqu’on se trouve dans cet état de l’inertie de l’attention prédisposant à l’imitation, état où tombent plus spécialement certains individus à constitution éminement impressionnable… Ce mouvement d’imitation dépourvu d’écho émotif bien marqué est commun comme fait, mais il est rare comme cause de maladie. C’est ainsi que des personnes présentes à des séances d’hypnotisation et assistant à la provocation de paralysies ou de raideur cataleptique ont éprouvé les mêmes phénomènes sans que la suggestion leur en ait été faite.

L’attention concentrée volontairement et trop vivement sur une idée peut produire aussi des accidents persistants. M. Liébeault cite à ce propos le cas très curieux d’un jeune homme instruit et calme de caractère qui s’était exercé pendant six semaines et 20 à 30 minutes tous les jours à regarder fixement le bout de son nez, ainsi que le pratiquent certains faquirs, pour se rendre compte des phénomènes qu’il en éprouverait. À la suite de cette singulière expérience, il finit par être continuellement obsédé par cette préoccupation visuelle ; il perdit le sommeil et resta incapable de se livrer à ses travaux intellectuels ordinaires. Craignant que cet état d’esprit qui durait déjà depuis deux ans et demi, ne s’aggravât encore, il vint se faire soigner chez M. Liébeault. Il fallut à celui-ci sept mois pour le débarrasser de cette singulière folie partielle, en employant la suggestion tous les jours dans les états de second et troisième degré du sommeil provoqué.

Dans les deux groupes suivants l’élément émotif intervient, mais dans l’un, l’attention s’exerce brusquement, dans l’autre lentement sur les idées émotives. Inutile de rappeler ici tous les exemples d’accidents, de maladies, de mort même produits par des émotions brusques ; les recueils de médecine en sont pleins. Les exemples d’affections dues à l’exercice prolongé de l’attention sur des idées émotives, pour être moins frappants, ne sont pas moins réels et l’on sait avec quelle puissance les