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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/532

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pas dans leur marotte habituelle. II n’est pas de médecins qui ne sachent combien il est difficile d’inculquer à un fou qu’il y a des vérités probables en dehors de ses idées fixes ; et personne n’ignore combien il a fallu de temps, malgré des preuves évidentes, pour détruire chez les savants la conviction où ils étaient que le sang ne circule pas.

« Si l’accumulation de l’attention est la cause de l’excessive crédulité et de l’impossibilité où est le dormeur en idée fixe d’être le maître de ses sens et de ses pensées, c’est encore l’accumulation de cette force qui est la cause de la vivacité de ses remémorations. Prenons encore le même somnambule. Si l’on présente à son attention l’idée à remémorer d’un objet connu, d’un objet de la vision, par exemple, il arrive que l’attention, en s’accumulant sur l’empreinte imagée restée latente dans l’esprit, la revivifie, la fait reparaître à la mémoire comme si son objet tombait réellement sous les sens ; elle en illumine les linéaments avec plus de netteté encore que la lumière ne dessine un tableau dans une chambre obscure. Plus puissante que le fluide lumineux, cette force, en outre des formes, du relief des corps, renouvelle aussi leurs dimensions véritables, leurs couleurs, etc. ; elle les anime, leur donne le mouvement ; elle a la propriété de ressusciter tout un monde. »

Ce qui vient d’être dit pour la vue peut s’appliquer à n’importe quelle sensation, y compris les sensations internes, viscérales, et il en est de même des phénomènes de mouvement, qu’ils se passent dans le système nerveux de la vie animale ou de la vie végétative. Ces faits sont bien connus aujourd’hui ; nos expériences et nos observations n’ont fait que confirmer et préciser ces observations antérieures et leur donner la sanction qui leur manquait ; mais, comme elles sont encore niées ou négligées par un grand nombre de médecins, il est toujours utile d’y revenir, car c’est sur ces faits qu’est basée la thérapeutique suggestive. On peut donc, par suggestion, produire des phénomènes d’excitation nerveuse partout où l’on en indique la formation et, d’autre part, susciter par le même moyen, des phénomènes semblables dans les maladies par manque de ton : paralysies du mouvement et du sentiment, inertie des fonctions organiques, congestions sanguines, etc.

En résumé on retrouve là l’application des principes émis par M. Liébeault dans son livre : Le sommeil provoqué et les états analogues, et j’ai eu assez occasion d’y insister pour n’avoir pas besoin d’y revenir[1]. En somme c’est toujours et partout l’attention qui se déplace, s’accumule, passe d’un endroit à l’autre et ces déplacements, ces accumulations sont commandés et dirigés par la suggestion toute-puissante de l’hypnotiseur.

« C’est dans ce pouvoir qu’a l’attention de s’accumuler consciemment ou non sur n’importe quelle fonction ou de s’en éloigner ; c’est

  1. Voir Revue philosophique, janvier 1890, p. 73.