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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/558

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Comte ; il suit chapitre par chapitre, et même paragraphe par paragraphe, le Cours de philosophie positive et le Système de politique positive. On aurait mieux, sans doute, compris et apprécié Comte, si M. G. se fût contenté d’esquisser à grands traits sa doctrine ; mais Comte n’a pas le droit de se plaindre, si, dans le particulier, on peut lui reprocher parfois de l’extravagance. M. G. eût mieux fait aussi de rendre compte, dès le commencement, de la loi des trois états, « la clef, suivant Mill, des autres généralisations de Comte, qui toutes en dépendent plus ou moins ». M. G. a mieux aimé la comprendre, suivant l’ordre même de Comte, dans l’exposition de la science sociologique. En tous cas, on ne peut pas reprocher à M. G. d’avoir méconnu le rôle considérable de Comte dans le mouvement intellectuel de notre siècle.

Mais sous ces fleurs se cachent des épines. Comte est le positiviste parfait ; mais comme sa doctrine quelque influence qu’elle ait eu ne vaut rien, et sa vie encore moins, on peut juger par là des autres, de ceux dont la valeur est a surfaite », de Mill, de Huxley, de M. Spencer : telle est l’appréciation définitive de M. G. Elle donne prise à la critique.

Pourquoi Comte est-il, selon M. G., supérieur aux autres philosophes positifs ? C’est que les parties de son œuvre se tiennent étroitement ; que la Politique positive est le développement naturel du Cours de philosophie positive ; que le tout forme un système bien lié. Tel n’était pas l’avis de Mill et de Littré. Comte, disaient-ils, a, dans la seconde période de sa vie, abandonné la méthode « positive » ; il a échangé la méthode objective pour la méthode subjective ; de cette façon, il a pris à tâche, lui-même, de renverser sa propre doctrine. Rien de plus « nul », dit M. G., que ces critiques contre Comte. Quand celui-ci a écrit la Politique positive, il y a beau temps que la méthode « positive » était abandonnée, et par Comte lui-même, et par Mill, et par Littré ; quelle est l’expérience qui leur permet, aux uns et aux autres, de déclarer chimériques les plus hautes essences de la théologie ? Sur quelles observations « directes », sur quels documents incontestables de l’histoire, repose la loi des trois états ? Puis, la méthode subjective n’est nullement opposée à la méthode objective, puisque celle-ci doit, suivant Comte, toujours contrôler celle-là. Enfin, il n’y a pas, en fait, une seule idée importante de la Politique positive, qui ne se trouve déjà dans le Cours. La conception du pouvoir spirituel, la théorie de Gall, la préoccupation sociologique, la prépondérance accordée aux facultés affectives sur les facultés intellectuelles, la suprématie de la morale, la sympathie ordonnée comme premier devoir, tout cela est indiqué dans le Cours de philosophie positive. Sans doute Comte avait commencé par répudier toute « construction religieuse », et il a fini par être grand prêtre. Mais c’est la religion théologique qu’il rejetait, non point la religion scientifique de l’humanité. Il avait donc le droit d’appeler sophistes ceux qui l’accusaient d’inconséquence.

Dans ce débat, Mill et Littré ont raison, et M. G. n’a pas tort. S’il est certain que la méthode subjective est le contraire de ce que Comte,