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CE QUI RESTERA DU SOCIALISME

ment ses filles, laisser à peine de quoi vivre à ses fils, et répandre en œuvres charitables et sociales, le reste de son énorme fortune. De telles oppositions, de tels contrastes se produisent en petit à travers tous les rangs sociaux. On les approuve ; on les trouve normaux.

Serait-il donc possible que le socialisme nous conduisit en fin de compte vers un état de choses similaire, vers une extension de l’individualisme inégalitaire tempéré par la pratique d’un sentiment solidariste raisonnable et mesuré ? Cela est fort probable en effet et déjà certains chefs du mouvement, mieux avertis et plus instruits que leurs états-majors, ont aperçu le changement de direction et l’aboutissement presque inéluctable de la route inconsciemment modifiée. De là ce retour si étrange aux absolutismes du début. Pourquoi constate-t-on de tous côtés que les socialistes tendent à renoncer aux méthodes gouvernementales, évolutions auxquelles ils ont dû leurs principaux succès et qu’ils se rallient à la théorie du « chambardement » nécessaire ? Un homme comme Jaurès peut-il par conviction épouser la thèse révolutionnaire vers laquelle il s’est à demi retourné ?… Un facteur inattendu est intervenu. Les socialistes ont compris que s’ils n’arrivaient pas à immobiliser de nouveau l’individu et ses biens (comme ils l’étaient plus ou moins dans l’ancienne société) c’est à fortifier l’individualisme qu’ils aboutiraient. Or cette immobilisation n’aurait de chance de se réaliser que si la totalité ou, au moins, la plus grande partie des nations civilisées y souscrivaient simultanément. Une telle simultanéité est impossible à obtenir par les procédés d’évolution politique. Puisqu’il faut la réaliser, que c’est une condition sine qua non, on s’y efforcera par les procédés révolutionnaires. Déterminer une explosion violente qui, en quelques semaines, fasse le tour de l’Europe et se répercute même au-delà, telle est désormais la seule ancre de salut du socialisme intégral. Ses partisans s’y attacheront en vain. Le simple bon sens suffit à prouver qu’une telle occurence est irréalisable par la raison que, du jour où plusieurs pays établiraient le régime socialisme intégral, les pays voisins se garderaient bien d’intervenir militairement pour y faire cesser un état de choses qui en une demi-année les enrichirait de façon colossale. La guerre économique suffirait à étouffer le mouvement dans l’œuf ; point ne serait besoin de tirer le moindre coup de canon.

Quoi qu’il en soit, laissons les apôtres socialistes sincères se