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UNE GUERRE DE CENT ANS

succédaient ; on n’entrevoyait pas de solutions. L’opinion, d’ailleurs, n’était pas unanime. Il y avait un parti tory, comme on l’appelait, dont les membres demeuraient obstinément fidèles à l’Angleterre ; il avait pris le deuil en apprenant la proclamation de l’indépendance. Ils espionnaient de tous côtés et parvinrent à déterminer quelques défections retentissantes ; ils prirent même les armes en Géorgie, dans la Caroline et sur les frontières de l’Ouest pour aider les Anglais[1] ; ils se compromirent si bien, qu’ils durent pour la plupart quitter l’Amérique après la paix. L’Angleterre les couvrit de fleurs en exaltant leur loyalisme ; en réalité, ils n’étaient que des égoïstes ; ils avaient escompté son triomphe et le partage des dépouilles de leurs frères vaincus, en récompense de leur fidélité.

La principale cause de découragement, c’était l’absence de crédit ; il en résultait une baisse indéfinie sur le papier-monnaie émis par le congrès. Un jour vint où la paye annuelle d’un soldat n’eût pas suffi à lui procurer à dîner pendant huit jours et où une paire de chaussures valut 400 dollars. C’est alors que l’intervention de la France s’exerça d’une manière décisive. On a beaucoup écrit sur ce sujet, mais longtemps les documents ont fait défaut pour apprécier l’importance et le caractère de cette intervention. La publication du mémorandum de M. de Vergennes, de la correspondance de Beaumarchais et de celle des agents américains à Paris a maintenant levé tous les doutes. Il faut distinguer entre l’intervention de La Fayette et de ses compagnons et celle de Louis xvi et de ses ministres. Les services rendus par La Fayette sont de ceux dont on ne saurait trop parler. Les Américains n’ont pas rendu à sa mémoire des honneurs immérités et la tentative de quelques-uns de leurs historiens actuels pour amoindrir de ce chef l’action française ou même y substituer celle d’une autre nation est une œuvre de mensonge digne de tous les mépris. Quant au gouvernement français, son entrée en scène manqua de franchise et d’à-propos. La flotte de d’Estaing rendit si peu de services que les Américains, déçus dans leur espoir, firent à ses marins le plus médiocre accueil. Vers la fin de la guerre, un effort sérieux fut accompli. Mais il était bien tard. La partie était jouée et la défaite de l’Angleterre déjà consom-

  1. Ils commirent, alliés aux Iroquois, de véritables forfaits, dévastant des districts entiers et massacrant les habitants.