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L’ÉVOLUTION MILITAIRE AU XVIIe SIÈCLE

n’était-elle pas un remède suffisant à opposer an mal. C’était très bien de vouloir punir avec une extrême rigueur les malversations, surtout quand elles étaient commises par un maréchal de France comme La Mothe Houdaucourt, ou d’appliquer aux déserteurs et aux pilleurs une justice sommaire propre à inspirer à tous des craintes salutaires. Mais le meilleur moyen consistait encore à substituer au désordre régnant dans les services de paiement et d’approvisionnement un ordre aussi rigoureux que possible. La solde régulière fut établie par l’ordonnance de 1660. Il est assez curieux de remarquer que cette ordonnance attribuait — pour ne parler que de l’infanterie, soixante-quinze livres par mois aux capitaines, trente aux lieutenants, dix au caporal, et sept livres dix sols au simple soldat. La proportion est bien différente de nos jours. Surtout les officiers ne furent plus les payeurs de leurs hommes. Des commissaires furent chargés de ce soin sous la surveillance de ces intendants d’armée créés par Richelieu mais dont les pouvoirs étaient demeurés longtemps assez théoriques. Le commissaire fut, à cette époque, un fonctionnaire d’un ordre bizarre, à la fois préposé aux comptes et à la discipline car la nécessité de tenir un état exact des désertions et d’en finir avec les passe-volants et autres subterfuges lui avait fait attribuer le droit de passer des revues à l’improviste. Ses pouvoirs reçurent des extensions progressives qui sans doute n’allèrent pas sans provoquer de nombreuses difficultés et des tiraillements fréquents.

Restait la question des subsistances. On peut dire que dans cet ordre d’idées tout était à créer, les approvisionnements et surtout les transports. La chose eût été moins malaisée si l’on se fut trouvé dans une période de paix relative. Mais au contraire, la guerre ne cessait plus sur un point que pour reprendre sur un autre et souvent plusieurs frontières se trouvaient menacées à la fois. Entretenir cent mille hommes sous les armes n’était pas un jeu pour la France d’alors. L’effort se trouvait hors de proportion avec les ressources du pays. Or les effectifs de Louis xiii dépassèrent fréquemment ce chiffre ; ils montèrent même par moment à cent cinquante mille, occasionnant une dépense de près de cent millions de francs. Louis xiv fut plus exigeant encore, au