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REVUE POUR LES FRANÇAIS

début, par l’ampleur de sa propre ambition, plus tard par la dureté des circonstances qu’il avait provoquées. Ces conditions étaient donc fort peu favorables à la mise en pratique d’une réforme devenue nécessaire mais onéreuse quand même. Des édits de 1627 complétés par d’autres édits datés de 1631 et 1635, avaient créé des « commissaires généraux des vivres, camps, avitaillement et magasins de France ». Mais c’était là encore une de ces façades dont il paraît que l’on fut toujours coutumier chez nous. Le poste était créé, il ne fonctionnait pas. Ce fut l’un des principaux mérites de Le Tellier de lui faire rendre les services en vue desquels on l’avait créé. Les commissaires furent appelés à exercer un contrôle effectif sur les « munitionnaires » chargés des approvisionnements ; car c’était toujours à ces sortes d’entrepreneurs que l’État se voyait obligé d’avoir recours, faute des magasins et dépôts lui permettant d’être son propre munitionnaire. Entre temps on prit des mesures pour organiser de tels magasins. Quant aux transports, au lieu des véhicules d’occasion réquisitionnés tant bien que mal à la hâte et sans ordre, Le Tellier établit le « train des équipages ». Ce fut peut-être sa plus importante innovation et c’est ce même train des équipages, nœud vital de la victoire, qu’il devient indispensable aujourd’hui d’automobiliser. À voir la lenteur avec laquelle s’opère un changement qui serait relativement facile et dont l’urgence est extrême, on apprécie mieux le mérite qu’eut Le Tellier à dominer les résistances de la routine.

Il fit d’autres améliorations. Richelieu avait décidé qu’il y aurait dans chaque armée « des jésuites et des cuisiniers qui donneraient des bouillons et des potages, et aussi des chirurgiens et des apothicaires. » C’était encore un point sur lequel on en était resté à la bonne volonté. Le Tellier créa des « hôpitaux mobiles » qui furent l’embryon des ambulances.

Telles furent les bases de l’armée moderne posées par l’initiative française au dix-septième siècle. Au siècle suivant, par malheur, le honteux laisser-aller d’un Louis xv fit qu’elles s’effritèrent assez rapidement. La France ne tira donc pas du double labeur de Le Tellier et de Louvois le profit immédiat qu’elle eut pu en attendre. Certaines de leurs dispositions pourtant demeurèrent acqui-