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LES MATHÉMATIQUES EN GRÈCE

nisme. Son formulaire, capital au point de vue des applications, implique l’esprit inventif et créateur. Le rôle essentiel de l’histoire des sciences c’est de retrouver et de préciser à chaque instant cet esprit, continu dans son évolution, tout aussi bien, quand il se contredit violemment, que lorsqu’il se développe sans plus. Ses révolutions sont impliquées, comme ailleurs, par son évolution.

Aligner, chronologiquement, des formules et des progrès techniques est une besogne aussi vaine que ridicule, si on la borne là. Ce qui a pu faire croire à l’inutilité foncière de l’histoire des sciences, c’est que les historiens des sciences, en se croyant des historiens, ne nous servaient à peu près que ce plat peu nutritif. C’était pourtant déjà mieux que le recueil anecdotique auquel d’autres avaient borné la même histoire : recueil à peu près exclusif d’erreurs et de légendes : la pomme de Newton, après le « j’ai trouvé » d’Archimède ou les effets militaires des miroirs ardents. Mais au point de vue de la véritable histoire des sciences (celle qui prend son point d’appui, son centre sur l’histoire de la pensée et des idées scientifiques, et a pour fin de la replacer, dans l’évolution de l’humanité) cette histoire n’est rien : squelette décharné, osselets reliés par des ficelles. Non, l’histoire des sciences est avant tout l’histoire de leur esprit philosophique, de la représentation que les hommes se sont faits à chaque instant de l’univers, quand ils essayent de la préciser et de la légitimer, d’apporter leurs preuves et leurs raisons aussi loin qu’ils le peuvent. Les formulaires sont des conséquences : ils n’ont été établis que par cette pensée en acte. Dans la science, il y a les artisans et les maîtres : les premiers n’existent que par les seconds. Les formulaires sont ce que connaissent les artisans et ce qu’ils appliquent — parfois sans les bien comprendre (Clapeyron et Sadi Carnot) même s’ils les ont trouvées. — Les maîtres sont ceux qui pensent et dont les pensées créent la pensée scientifique, âme des techniques et de ce qui les dépasse. Encore une fois, ne confondons pas exécutants, même virtuoses, avec compositeurs. L’histoire des sciences doit mettre chacun à son rang et tout subordonner au rang, c’est-à-dire aux penseurs et à ceux qui ont créé et ont été les animateurs. Leur pensée, voilà le fond du tableau et le sujet central. Le reste vient se plaquer à sa place, — la place secondaire.

Fournir une des pièces capitales de l’histoire de la civilisation,