Page:Ribot - Les Maladies de la volonté.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cette anomalie psychologique se complique d’une autre. Tout état de conscience tend à se dépenser en raison même de son intensité. Dans la plus haute extase, la dépense est nulle ou à peu près, et c’est grâce à l’absence de cette phase motrice que l’intensité intellectuelle se maintient. Le cerveau, organe à la fois intellectuel et moteur dans l’état normal, cesse d’être moteur. Bien plus, dans l’ordre intellectuel, les états de conscience hétérogènes et multiples qui constituent la vie ordinaire ont disparu. Les sensations sont supprimées ; avec elles, les associations qu’elles suscitent. Une représentation unique absorbe tout. Si l’on compare l’activité psychique normale à un capital en circulation, sans cesse modifié par les recettes et les dépenses, on peut dire qu’ici le capital est ramassé en un bloc ; la diffusion devient concentration, l’extensif se transforme en intensif. Rien d’étonnant donc si, dans cet état d’éréthisme intellectuel, l’extatique paraît transfigurée, au-dessus d’elle-même. Certes les visions de la grossière paysanne de Sanderet qui voyait une Vierge tout en or, dans un paradis en argent, ne ressemblent guère à celles d’une sainte Thérèse ou d’un Plotin ; mais chaque intelligence au moment de l’extase donne son maximum.

Est-il bien nécessaire maintenant de rechercher pourquoi, dans cet état, il n’y a ni choix ni