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sant jusqu’à « l’impitoyable Diane » par le pureté de sa vie, par la ferveur de son dévouement filial. Chacun d’eux nous a révélé ainsi l’un des côtés de son âme. De même, dans Egmont, de la timide et tendre Claire ; les historiens nous apprennent qu’elle n’a jamais existé, et que le héros des Flandres était un père de famille modèle, un mari absolument dévoué à ses devoirs. N’importe ! Claire est immortelle, car c’est sous le nom, et à propos de cette héroïne de fantaisie, que Beethoven a dévoilé, de la façon la plus touchante, le côté tendre, sensible de sa grande et énergique nature.

La théorie cinématique, pour ainsi dire, des beaux-arts, telle que nous venons d’en donner une grossière et incomplète ébauche, n’a donc point, comme certaines personnes pourraient être tentées de le craindre, l’inconvénient de rabaisser à un rôle purement mécanique et matériel les manifestations esthétiques de l’esprit humain. Bien loin de là, elle vient confirmer à sa manière les conclusions des plus grands penseurs de tous les temps. L’art apparaît toujours comme la mise en communication des âmes, comme un échange d’émotions entre elles, comme l’instrument le plus sûr et le plus délicat de l’analyse psychique.

Cette théorie n’a point la prétention d’inspirer des chefs-d’œuvre, elle recherche seulement les conditions particulières des milieux spéciaux à travers lesquels cette communication, cet échange ont lieu entre les âmes, et elle s’efforce de découvrir le moyen d’éviter les frottements, les pertes de force et de chaleur, résultant d’une appréciation erronée des ressources particulières dont chaque artiste dispose sur le terrain qu’il a choisi.

Georges Guéroult.