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tères distinctifs qui lui appartiennent, il faut encore une fois remonter au commencement.

Les faits, tels qu’on les observe chez les peuples de tous les temps, prouvent que le corps consultatif n’est au début rien de plus qu’un conseil de guerre. C’est dans l’assemblée en plein air des hommes armés, que le groupe dés chefs se montre d’abord accomplissant la fonction délibérative en ce qui concerne les mesures militaires, fonction qui s’étend plus tard aux autres mesures. Longtemps après que les délibérations portent sur des questions d’un but plus général, les traces de l’origine de l’assemblée subsistent encore.

À Rome, où le roi était par-dessus tout un général et où les sénateurs, comme autant de chefs de clans, étaient au début les chefs militaires, les citoyens étaient habituellement, quand où les rassemblait, salués du nom de quirites (porte-lancés), le titre qu’on leur donnait naturellement quand ils assistaient comme auditeurs aux conseils de guerre survivait. De même à une époque plus moderne, dans les petites républiques italiennes. On y rassemblait « les citoyens au son d’une grosse cloche, pour arrêter les moyens de parer à la défense commune, » nous dit Sismondi, et « cette assemblée de tous les hommes de la cité capables de porter les armes s’appelait parlement. » Chez les Polonais des premiers temps, « des assemblées de ce genre, avant l’établissement d’un sénat, et alors que les rois ne possédaient qu’un pouvoir limité, se réunissaient fréquemment, et, tous les hommes qui portaient les armes s’y rendaient ; » enfin, plus tard, « les comitia paludata, qui s’assemblaient durant un interrègne, se composaient de toute la noblesse, qui tenait séance en plein air, armée et équipée comme pour une bataille. » En Hongrie aussi jusqu’au commencement du xvie siècle, « les seigneurs, à cheval et armés de pied en cap comme pour aller eh guerre, se réunissaient dans le champ de courses de Bakos, près de Pesth, et, là discutaient en plein air les affaires publiques. » Stubbs nous dit que, chez les Germains primitifs, le conseil politique suprême est la nation en armes ; » quoique, durant la période mérovingienne, le pouvoir populaire déclinât, « sous Clovis et ses successeurs immédiats, le peuple assemblé en armes ne laissa pas d’avoir une part réelle dans les décisions du roi. » De nos jours mêmes, la coutume de marcher armé persiste dans les pays où la forme politique primitive persiste. « Jusqu’aujourd’hui, écrit M. de Laveleye, les habitants des Rhodes extérieures d’Appenzell se rendent à l’assemblée générale une fois l’an à Hundwyl, et l’autre fois à Trogen, tenant chacun à la main une vieille épée ou un antique glaive du moyen âge. » M. Freeman a été témoin d’une réunion analogue à