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HERBERT SPENCER. — les corps consultatifs.

Uri, où les habitants s’assemblent en armes pour choisir leur premier magistrat et délibérer.

On peut sans doute prétendre que dans les premiers temps où les sociétés ne sont pas assises, le port d’armes est une nécessité à laquelle tout homme libre obéit pour sa sécurité personnelle ; surtout quand il doit se rendre à un lieu de réunion très éloignée de sa demeure. Mais il y a des faits qui montrent que si cette nécessité est restée une cause du port d’arme dans les assemblées, elle ne suffit pas seule à l’expliquer. On nous apprend, il est vrai, que, chez les anciens Scandinaves, « tous les hommes libres capables de porter les armes, étaient admis à l’assemblée nationale, et que, après l’élection « du nouveau souverain entre les descendants de la race sacrée, celui-ci était élevé parmi le choc des armes et les cris de la multitude ; » mais nous savons aussi que « personne, pas même le roi ou ses champions, n’avait le droit de venir en armes aux assises. »

Indépendamment de ces faits, il y a de bonnes raisons de supposer que le conseil de guerre est l’origine du corps consultatif, et a fourni l’ébauche de la structure de ce corps. La défense contre les ennemis à été partout le besoin qui a dans le principe poussé à la délibération collective. L’action individuelle ou l’action par petits groupes pourrait suffire pour d’autres desseins ; mais, quand il s’agissait d’assurer le salut général, l’action combinée de toute la horde ou tribu était nécessaire ; et le premier motif d’une réunion politique doit avoir été le besoin d’assurer cette action combinée. En outre, parmi les traits constitutionnels des premières assemblées chez les nations civilisées, il en est qui indiquent les conseils de guerre comme le point de départ de ces assemblées. Si l’on veut savoir ce qui doit arriver quand, dans une tribu, le petit nombre influent débat les mesures militaires en présence du plus grand nombre, on dira que en l’absence d’une organisation politique avancée, il faut obtenir l’assentiment du grand nombre à une décision avant de la réaliser ; la même chose doit arriver aussi quand un grand nombre de tribus sont unies. La diète des Tartares, dit Gibbon, se composait de chefs de tribus et de leur suite de guerriers, et « le monarque, en passant ses forces en revue, devait consulter l’inclination d’un peuple armé. » Lors même, que dans de telles conditions, le petit nombre prédominant pourrait imposer sa volonté au grand nombre, il est évident qu’il commettrait en le faisant un acte impolitique, puisque toute discussion pourrait compromettre le succès de la guerre. De là serait né l’usage de poser à la masse environnante des hommes armés la question de savoir s’ils donnent leur