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assentiment à la marche que le conseil des chefs à adoptée. Il en serait sorti un usage tel que celui qui s’était établi pour les affaires du gouvernement chez les premiers Romains, dont le roi ou le général demandait aux citoyens assemblés ou « quirites » s’ils approuvaient la proposition qui leur était soumise. Un usage attribué par Tacite aux Germains primitifs aurait la même origine : tantôt par des murmures, tantôt en brandissant leur lance, ils rejetaient ou acceptaient les propositions de leurs chefs. Ajoutons qu’une conséquence naturelle de cet usage est précisément la façon de s’exprimer de l’opinion du peuple telle qu’on nous la décrit. Les citoyens à Rome ne pouvaient répondre que par oui ou par non aux questions qu’on leur posait ; c’est justement la réponse simple que les chefs et les principaux guerriers auraient demandée aux autres guerriers quand il fallait décider de la paix ou de la guerre. Chez les Spartiates, la part de la multitude subissait des restrictions analogues. A côté du Sénat et des deux rois collègues, il y avait « une assemblée publique de citoyens, réunis dans le but d’approuver ou de rejeter les propositions qui leur étaient soumises, mais qui ne jouissaient que de peu ou point. de liberté de discussion, » usage facile à expliquer si l’on admet que dans l’Agora d’Homère d’où dérivait la constitution spartiate, l’Assemblée des chefs devait gagner l’assentissement de leurs guerriers avant d’entreprendre les opérations importantes.

Reconnaissons donc que la guerre donne naissance à la délibération politique, et que le corps d’élite qui s’occupe particulièrement de cette délibération, prend une forme pour la première fois dans les occasions où il faut pourvoir à la sécurité publique, et nous serons bien préparés à comprendre les caractères du corps consultatif dans les dernières phases de son développement.

Nous avons déjà vu qu’au début la classe militaire était nécessairement la classe qui possède le sol. Chez les tribus sauvages il n’existe pas d’autre propriétaire du territoire qu’elles occupent que les guerriers qui en jouissent en commun pour la chasse. Durant la période pastorale, les occupants des territoires bons pour l’élevage du bétail unissent leurs efforts pour le défendre par les armes contre les envahisseurs. À la période agricole, il a fallu défendre de temps en temps par l’épée les possessions communales, familiales et individuelles. C’est pour cela, comme nous l’avons vu, que, dans les premiers temps, le droit de porter des armes et la possession du sol vont d’ordinaire ensemble.

Tant que la terre demeure une propriété commune, comme chez les peuples chasseurs, les différences qui s’établissent entre le