Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
57
HERBERT SPENCER. — les corps consultatifs.

petit nombre et le grand, ne sont que ceux qui résultent de ta supériorité personnelle, réelle ou prétendue, d’un genre ou d’un autre. Il est vrai que des différences de richesse, sous formes d’effets, de bateaux d’esclaves, etc., introduisent quelques différenciations de classe ; qu’alors même, avant que la propriété privée commence, une quantité de propriétés contribuent à distinguer les gouvernants des gouvernés. Une fois l’état pastoral atteint, et le type patriarcal établi, la propriété qui existe alors échoit au fils aîné de l’aîné ; ou si, comme le dit sir Henry Maine, il faut voir dans le patriarche le mandataire du groupe, cette qualité s’unit en lui à celle du commandement militaire pour lui donner la suprématie. Plus tard, quand la terre est enfin occupée par des familles et des sociétés sédentaires, et que la possession du sol prend un caractère défini, l’union de ces caractères dans chaque chef de groupe devient plus marquée. Enfin, comme nous l’avons vu, en traitant de la différenciation des nobles d’avec les hommes libres, plusieurs influences concourent à donner au fils aîné de l’aîné la supériorité, aussi bien par l’étendue de ses possessions territoriales que par celle de sa puissance. Ce rapport ne change pas quand la noblesse de fonctions remplace la noblesse de naissance, ou quand, comme cela arrive bientôt, les compagnons d’un conquérant reçoivent en récompense des portions du territoire conquis à condition d’un service militaire continu. Partout il y a tendance pour la classe des supérieurs militaires à se confondre avec celle des grands propriétaires.

Il s’ensuit donc qu’à commencer par l’assemblée générale des hommes libres portant les armes, tous possesseurs du sol, soit individuellement soit collectivement, chez qui le conseil des chefs, délibérant en présence de tous, ne se distingue que parce qu’il est composé des guerriers les plus illustres, la fréquence des guerres et le progrès de la fusion des groupes sociaux produisent un Etat où le conseil des chefs se distingue du reste du peuple en ce que ses membres possèdent de plus grandes propriétés, et une plus grande puissance comme conséquence. Tranchant de plus en plus avec la masse général des hommes armés, le corps consultatif tendra graduellement à se la subordonner, et à la fin s’en rendra indépendant en s’en séparant.

On voit dans toutes les parties du monde des exemples du développement par lequel ce conseil de guerre temporaire où le roi, à titre de général, appelle pour y donner leur avis les chefs de ses forces, passe à l’état d’un corps consultatif permanent où le roi, à titre de souverain, préside aux délibérations des mêmes hommes sur les affaires publiques en général. Le corps consultatif est partout