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HERBERT SPENCER. — les corps consultatifs.

et chacune conduite à la guerre par un voïvode ou capitaine nommé pour un temps, mais transformée à la longue par la composition et la recomposition qui sont les effets de la guerre, la nation polonaise s’était différenciée en classes de nobles et de serfs, au-dessus desquelles s’élevait un roi électif. Nous savons qu’à l’époque où le roi n’avait pas encore perdu sa puissance, « bien que chacun des palatins, des évêques et des barons, pût donner des conseils au souverain, il fallut longtemps avant qu’un Sénat régulier se formât, et que cette institution ne se compléta que lorsque l’expérience en eut prouvé l’utilité. D’abord la seule question sur laquelle le monarque délibérât avec ses barons avait trait à la guerre ; ce qu’il avait d’abord octroyé par courtoisie, ou par méfiance de lui-même, ou dans l’intention d’atténuer sa propre responsabilité, en cas d’insuccès, les barons le réclamèrent comme un droit. » De même aussi, pendant leurs guerres intestines et leurs guerres contre Rome, les tribus germaniques primitives, jadis à demi nomades et à peine organisées, traversèrent la phase historique où les chefs et les hommes libres armés s’assemblaient périodiquement pour délibérer sur la guerre ou sur d’autres questions, et aboutirent par évolution à une structure analogue. Au temps de Charlemagne, dans la grande assemblée annuelle, « les dues, les comtes, les évêques, les échevins et les centeniers, qui se rattachaient tous au gouvernement ou à l’administration, étaient présents officiellement ; les grands et petits propriétaires, les barons et la petite noblesse rurale, remplissaient cet office en vertu de leurs fiefs, les hommes libres en vertu de leur état de guerriers, quoiqu’il y eût indubitablement peu d’hommes libres obligés au service militaire qui ne fussent investis de quelque portion de propriété foncière. » Enfin, à une époque plus récente, dit Hallam, « dans toutes les principautés germaniques prévalait une forme de monarchie limitée, reproduisant en petit la constitution générale de l’Empire. Comme les empereurs, qui partageaient la souveraineté législative avec la diète, tous les princes, qui appartenaient à cette assemblée, avaient leurs états provinciaux propres, composés de leurs feudataires et dés villes médiates situées sur leur territoire. » La masse de la population rurale avait donc cessé de posséder le pouvoir. Il en était de même en France à la fin de la période féodale. Une « ordonnance de 1228, sur les hérétiques du Languedoc, est prise sur l’avis de nos grands et prudhommes. » Une autre ordonnance « de 1246, sur les levées et exemptions dans l’Anjou et le Maine, » porte ces mots : « ayant convoqué auprès de nous, à Orléans, les barons et grands des dits comtés, et ayant attentivement délibéré avec eux, etc. »

Pour répondre à l’objection qu’on fera peut-être, parce que nous