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HERBERT SPENCER. — les corps consultatifs.

vassaux. Sans doute, plus tard, les dignitaires de l’Église ne prirent plus une part active à la guerre ; mais leur fonction de conseiller en cette matière, souvent pour y pousser plutôt que pour l’empêcher, n’a pas encore pris fin ; c’est ce qu’on a vu en Angleterre par le vote des évêques, qui, à l’exception d’un seul, ont tous approuvé l’invasion de l’Afghanistan.

Donc, si le corps consultatif contient habituellement des ecclésiastiques, cela ne contredit pas notre thèse que ce corps commence par être un conseil de guerre, et devient plus tard une assemblée permanente de chefs militaires de rang inférieur.

Nous retrouvons donc ici le résultat que nous avons déjà rencontré sous une forme différente, quand nous avons parlé des oligarchies, mais avec une différence : la différence vient de ce que le roi y joue le rôle de facteur coopératif. En outre, une grande partie de ce que nous avons déjà dit des effets de la guerre, qui rend les oligarchies plus étroites, s’applique aussi à la réduction à des limites plus étroites de l’assemblée consultative qui se transforme en un corps de nobles militaires, propriétaires fonciers. Seulement la fusion de petites sociétés pour forme des sociétés plus grandes, conséquence de la guerre, met en jeu d’autres influences, lesquelles s’unissent aux premières pour produire ce résultat.

Dans les assemblées primitives où les hommes étaient pareillement armés, il devait arriver que la multitude des inférieurs reconnût l’autorité que le petit nombre des supérieurs tiennent de leur qualité de chefs de guerriers, de chefs de clan, ou de leur origine divine ; mais ce petit nombre de supérieurs, certains de ne pouvoir lutter contre la multitude dans un conflit matériel, était obligé de montrer quel- que déférence pour l’opinion du plus grand nombre et n’était pas capable de s’arroger la plénitude du pouvoir. Avec les progrès de la différenciation de classe dont nous avons parlé, à mesure que le petit nombre des supérieurs acquièrent de meilleures armes que le grand nombre des inférieurs ne possèdent pas, soit que, comme chez les anciens, ils aient des chars de guerre, soit que, comme au moyen âge, ils portent des cottes de mailles ou des armures, et montent des chevaux, ils sentent leurs avantages et n’accordent plus le même respect aux opinions du grand nombre. Bientôt l’habitude de ne pas tenir compte de leur opinion fera place à celle de regarder toute expression de cette opinion comme impertinente.

Cette usurpation graduelle s’opérera grâce à la croissance de ces corps de suivants en armes dont les membres du petit nombre supérieur s’entourent, mercenaires et autres, qui, affranchis de toute attache avec le commun des hommes libres, sont liés à ceux qui les