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HERBERT SPENCER. — les corps consultatifs.

des assistants, que M. Freeman commente, produit son effet de plusieurs façons. Les frais du voyage au lieu fixé pour l’assemblée, quand le royaume est devenu grand, sont trop lourds pour qu’une personne qui ne possède que quelques acres puisse les supporter. Ajoutez les frais occasionnés par la perte de temps, très onéreux pour celui qui travaille ou qui surveille le travail d’autrui. Enfin il y avait un danger considérable, dans ces temps de désordre, pour tous les voyageurs qui ne pouvaient marcher avec une suite bien armée. Assurément ces causes décourageantes devaient produire leurs effets lorsque, pour les raisons que nous venons de dire, les motifs de se rendre aux assemblées perdaient de leur force.

À ces causes s’en ajoute une autre. Lorsque le territoire occupé est étendu, et que par conséquent le nombre de ses habitants est grand, une assemblée de tous les hommes armés, eût-on pu les rassembler, n’aurait pas été capable de procéder à une délibération, tant à cause du nombre énorme de ses membres que faute d’organisation. Une multitude composée d’individus venus des quatre coins d’un vaste pays, la plupart inconnus les uns aux autres, incapables de se mettre préalablement en rapport entre eux, partant sans plan comme sans chefs, ne peuvent lutter avec le corps relativement faible, mais bien organisé de ceux qui ont des idées communes et qui agissent de concert.

Il ne faut pas non plus oublier que lorsque ces causes ont concouru à faire diminuer l’assemblée d’hommes en armes qui vivent au loin, et que l’usage de convoquer les plus importants d’entre eux s’établit, il arrive naturellement que dans le cours du temps la réception de la convocation devient le titre qui donne l’entrée dans l’assemblée, et l’absence de cette convocation équivaut à l’absence du droit d’y prendre place.

Voilà donc plusieurs influences, toutes conséquences directes ou indirectes de la guerre, qui concourent à produire la différenciation du corps consultatif d’avec la masse des hommes armés d’où il est sorti.

Nous avons donc un souverain et un corps consultatif dont nous connaissons l’origine. Reste à savoir les causes des changements qui surviennent dans leurs pouvoirs respectifs. Entre ces deux autorités, il y a nécessairement toujours lutte ; chacune d’elles essaye de dominer l’autre. À quelle condition le roi pourra-t-il dominer le corps consultatif ? À quelle condition le corps consultatif sera-t-il en état de dominer le roi ?

La nature surhumaine du roi ne peut manquer de lui assurer un immense avantage dans la lutte pour la suprématie. S’il descend des