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dieux, il ne saurait être question pour ses conseillers de s’opposer à sa volonté ; et les membres de son conseil, isolément ou ensemble, ne se permettent guère que de déposer à ses pieds leur humble avis En outre, si la ligne de succession est réglée de telle sorte que l’occasion d’une élection du roi par les principaux chefs ne se présente que rarement, de sorte qu’ils n’aient jamais à porter leur choix sur un homme qui conformerait ses vues à leurs désirs, ils sont désormais privés des moyens de conserver aucune autorité. Aussi arrive-t-il d’ordinaire qu’on ne trouve dans les pays de l’Orient ancien ou moderne, soumis à un gouvernement despotique, aucun corps consultatif en possession d’une existence indépendante. Encore que nous sachions que le roi d’Égypte « se faisait suivre dans ses guerres par le conseil des Trente, censé composé de conseillers privés, de scribes et de hauts officiers de l’État, » nous devons supposer que les membres de ce conseil étaient des fonctionnaires, sans autre autorité que celle que le roi leur déléguait. De même à Babylone et en Assyrie. Les hommes de la suite du roi qui remplissaient auprès de ce souverain de race divine les fonctions de ministres et de conseillers, ne formaient pas des assemblées instituées en vue de la délibération. Dans l’ancienne Perse, on observait le même état de choses. Le roi héréditaire, personnage presque sacré, paré de titres extravagants, encore qu’il fût exposé à l’opposition de princes et de nobles issus du sang royal, placés à la tête des armées, et qui lui donnaient des avis, n’avait pas son autorité limitée par celle d’un corps composé de ces princes. Au Japon, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, il a existé un état analogue. Les daïmios étaient obligés de séjourner dans la capitale à des époques prescrites, mais c’était une mesure de précaution prise contre leur insubordination ; ils n’étaient jamais, durant leur séjour, appelés à prendre ensemble une part quelconque au gouvernement. Si la royauté divine entraînait cette conséquence au Japon, elle la produisait aussi en Chine. Bien qu’il n’y ait en Chine aucun corps délibératif ou consultatif existant nominalement, rien qui présente de l’analogie avec un congrès où un parlement, la nécessité n’oblige pas moins l’empereur à consulter certains de ses officiers et à prendre leur avis. » L’Europe nous fournit aussi des faits de même signification. Je ne veux pas parler seulement de la Russie, mais je songe aussi à la France à l’époque où la monarchie revêtait sa forme la plus absolue, dans le siècle où les théologiens comme Bossuet enseignaient que « le roi n’est responsable envers qui que ce soit… que l’État tout entier se résume en sa personne, que sa volonté est l’expression de celle du peuple ; » dans le siècle où le roi, Louis XIV, « imbu de l’idée de