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HERBERT SPENCER. — les corps consultatifs.

son omnipotence et de sa divine mission, était pour ses sujets un objet d’adoration, » et avait « éteint et absorbé jusqu’à la dernière trace, la dernière idée, le dernier souvenir de toute autorité à l’exception de celle qui émanait de lui seul. » En même temps que s’établissait la succession héréditaire et que la royauté acquérait un prestige divin, la puissance des autres États qui existaient jadis, s’effaçait.

Réciproquement, il existe des exemples où l’on voit que lorsque le roi n’a jamais eu ou ne conserve pas le prestige d’une prétendue filiation divine, et où la royauté demeure élective, le pouvoir du corps consultatif est susceptible de dominer le pouvoir royal et à la fin de le supprimer. Le premier fait à citer est celui de Rome. Dans le principe, « le roi convoquait le sénat à son gré et lui soumettait des questions ; nul sénateur ne pouvait émettre son avis s’il n’en avait été requis ; encore moins le sénat pouvait-il se réunir sans avoir été convoqué. » Mais, à Rome, le roi, quoique censé gratifié de l’approbation divine, ne passait pas pour descendre des dieux, et, quoique habituellement désigné par son prédécesseur, il était quelquefois réellement élu par le sénat et toujours soumis à la formalité de l’approbation populaire ; le corps consultatif finit par devenir souverain. « Le sénat s’était avec le temps transformé : ce corps institué, seulement pour donner des avis aux magistrats, était devenu un conseil commandant aux magistrats et gouvernant seul. » Plus tard, « le droit de nommer et de rayer les sénateurs, qui appartenait primitivement aux magistrats, leur fut retiré ; » et enfin, « le caractère inamovible et viager des membres de l’ordre gouvernant, qui possédaient dans le sénat un siège et une voix, se trouva définitivement affermi ; » la constitution oligarchique fut alors fixée. L’histoire de la Pologne nous offre un autre exemple. Après que l’union de tribus à gouvernement simple eut produit de petits États et donné naissance à une noblesse ; et plus tard, après que ces États se furent unis ; une royauté se forma. D’abord élective, comme toute royauté au début, elle demeura telle et ne devint jamais héréditaire. À chaque élection qui se faisait en dehors du clan royal, une occasion se pré- sentait de choisir pour roi une personne dont le caractère paraissait aux nobles turbulents de nature à favoriser leurs desseins ; il en résulta la décadence du pouvoir royal. À la fin, « des trois ordres dont l’Etat se composait, le roi, bien que son autorité eût été anciennement despotique, était le moins important. Sa dignité n’était pas environnée de puissance ; il n’était que le président du sénat et le principal juge de la république. » Il y a encore à citer l’exemple de la Scandinavie, déjà mentionné à propos d’un autre rapport. Les rois danois, norvégiens et suédois étaient originairement électifs ; et,