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ANALYSES. — A. DE ROBERTY. La Sociologie.

méconnu, la philosophie de chaque science elle-même. Le livre que nous analysons « est un essai dont toutes les parties appartiennent au domaine de la philosophie particulière de la science sociale ».

L’ouvrage lui-même est divisé en quatre parties : Le problème sociologique, — La place de la sociologie parmi les sciences, — La division de la sociologie, — Questions connexes. Chacune de ces parties se subdivise en plusieurs chapitres où sont discutées les questions les plus variées.

I. Le problème sociologique. — La science sociale depuis Auguste Comte en est encore à chercher sa véritable voie ; on l’a mariée tour à tour à tous les systèmes métaphysiques, et, faute d’avoir trouvé la méthode qui lui convenait, elle est restée dans un état d’enfance d’où il est temps de la tirer. « Il ne s’agit plus de choisir entre la méthode objective qui moule ses conceptions sur les réalités, qui parcourt successivement les trois termes de toute recherche : observation, conjecture, vérification, et la méthode subjective, qui moule les réalités sur ses conceptions et s’arrête au second terme, » Mais, en dehors de ces méthodes logiques générales que l’auteur oppose aux méthodes scientifiques particulières, il y a dans la pratique un ensemble de procédés spéciaux que l’esprit doit adapter aux conditions diverses de chaque science. Quelle est donc la méthode spéciale de la science sociale ? Quels procédés lui ont manqué jusqu’à ce jour pour être véritablement constituée ? — Il lui a manqué d’abord une histoire naturelle de la société, c’est-à-dire une étude descriptive, comparée et analytique des faits sociaux. Sans doute les faits observés et connus sont innombrables déjà, mais on n’a pas encore su les mettre en œuvre. La même cause a longtemps retardé les progrès de la psychologie introspective.

Peu de sciences ont en effet à leur service autant d’observations, d’analyses, d’études diverses, et cependant beaucoup sont arrivées à d’importants résultats. Deux sources abondantes de faits et d’études ont surtout été négligées, la morale ou « hygiène sociale », et le droit « excroissance naturelle de la morale ». En passant, M. de Roberty s’arrête à une étude sur l’altruisme, intéressante à coup sûr, mais peu nécessaire à la question de méthode. Il se peut qu’il existe au sein de l’organisme vivant des prédispositions, tendances héréditaires, formes innées de Kant, nécessaires pour que nous ressentions la sympathie, mais l’altruisme n’est pas, comme l’égoïsme un simple produit de l’évolution biologique ; il à sa source dans des conditions sociales, il est le produit de la réaction inévitable du milieu et devient une qualité psychique, spontanée et héréditaire ; c’est « l’instinct de conservation des collectivités humaines ». Il ne préside pas à la formation des sociétés, il en résulte.

Revenons à la méthode des sciences sociales. Quelle est donc la raison pour laquelle l’homme est resté si longtemps sans connaître « l’usage scientifique » des faits psychologiques et des faits sociaux ?