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REVUE PHILOSOPHIQUE

L’ordre suivant lequel les différents groupes de phénomènes sont réduits par l’esprit à uniformité des relations ou à la loi dépend de la fréquence avec laquelle les relations de ces groupes se présentent dans l’expérience, Telle est l’explication de M. Spencer, paraphrase, dit M. de Roberty, de la classification d’Auguste Comte. Peut-être serait-il plus juste de reconnaître que M. Spencer a donné la raison expérimentale du développement des sciences indiqué par le fondateur du positivisme. Quoi qu’il en soit, il n’est pas contestable que « les faits sociaux sont avec ou après les faits psychologiques ceux qui d’un côté ont toujours donné lieu à une quantité relativement plus grande d’observations, et de l’autre ont laissé le moins apercevoir les relations uniformes qui les unissent entre eux. » Il s’agit aujourd’hui de mettre à profit tous ces faits et d’en tirer des lois.

Les méthodes logiques, c’est-à-dire l’induction et la déduction, reposent également sur l’observation ; mais, contrairement à ce qu’admettait l’ancienne logique, l’observation elle-même diffère selon les sciences : et à ce point de vue les sciences abstraites peuvent, selon M. de Roberty, se diviser en quatre groupes : 1o sciences intuitives, ou axiomatiques, où l’on observe par simple intuition (mathématiques) ; — 2o sciences d’observation pure et simple (astronomie) ; — 3o sciences expérimentales, où à l’observation proprement dite se joint l’expérimentation (physique et chimie) ; — 4o sciences descriptives, dans lesquelles on a recours à des procédés spéciaux, classification, définition, comparaison. Ce serait à tort en effet que la description a perdu de nos jours tout crédit dans les sciences abstraites.

La description est un procédé sur lequel M. de Roberty insiste longuement, qu’il veut réhabiliter et dont il fait en quelque sorte la caractéristique de la méthode sociologique. Aussi est-il important de bien comprendre comment il l’entend, et l’on regrette de trouver plus de développements et de métaphores que de formules précises. La description est peut-être une excellente chose, mais encore faudrait-il ne pas en user quand il s’agit de la définir. Essayons d’en dégager la nature : « Le description qui appartient aux sciences biologiques et sociales est encore de l’observation, mais c’est déjà une observation transformée ou prolongée. » Elle est un degré intermédiaire entre l’observation d’une part, l’abstraction et la généralisation de l’autre, elle est analogue à ces transformations secondaires que l’industrie fait subir à la matière première et qui n’aboutissent pas encore au produit achevé. Dans la science, la place qui lui revient est d’autant plus grande que les phénomènes deviennent plus compliqués et les observations plus nombreuses, car il y a dès lors plus de place pour « l’enregistrement, l’ordination et la classification des observations, et c’est précisément cet enregistrement, cette ordonnance, cette classification fondés sur et aidés par une analyse exacte des points de contact et de divergence entre les phénomènes qu’on appelle description scientifique. » Des sciences simples aux sciences supérieures, de la mécanique à la