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titre que l’analyse, une « séparation » à laquelle l’esprit soumet les objets pour en saisir les rapports ; « c’est une seule et même méthode, un procédé identique de l’esprit, mais on dit volontiers description des choses qu’on voit, analyse des choses qu’on ne voit pas. »

La première partie de l’ouvrage se termine par une étude critique des opinions de Stuart Mill, Spencer, Bain, Lewes, Proudhon et Schœffle sur le caractère de la biologie et de la sociologie. La sociologie, conclut M. de Roberty, a donc pour objet une propriété fondamentale de la matière, la « socialité », et tous les efforts doivent tendre à l’élever de l’état d’histoire naturelle à celui de science naturelle de la société.

II. Le place de la sociologie parmi les sciences. — À Auguste Comte revient l’honneur d’avoir assigné à la science sociale sa véritable place ; mais la classification du fondateur du positivisme a rencontré différents adversaires. L’un des plus célèbres, M. Spencer, conteste, on le sait, la valeur de cet arrangement sériel de nos connaissances, et nie que le principe du développement des sciences soit le principe de la généralité décroissante des phénomènes étudiés. À la filiation historique il oppose une classification fondée sur la dépendance réciproque des sciences et sur l’appui qu’elles se prêtent mutuellement. M. de Roberty prend parti pour la théorie positiviste, et, selon nous, avec toute raison. Il rappelle les paroles par lesquelles M. Littré distingue les deux points de vue auxquels il faut se placer pour juger le différend : « Tandis que la série et la constitution représentent la condition objective des choses, l’interdépendance représente la condition subjective de la connaissance ; double condition qui historiquement se manifeste d’une part comme série dans la superposition des constitutions, d’autre part comme évolution dans le concours de toutes les parties pour une seule et d’une seule pour toutes, » Il n’y a pas lieu davantage de s’arrêter à l’objection tirée de l’évolution intérieure de chaque science. Il se peut, comme le soutient M. Spencer, que dans chaque science le progrès se fasse du particulier au général et suivant l’ordre de généralité décroissante (ainsi dans la biologie, où l’on passe de l’étude des organes à celle des tissus, puis à celle des éléments anatomiques) ; mais Auguste Comte n’a jamais prétendu fonder sa classification sur le développement intime de chaque science. D’ailleurs, par complication croissante, il n’entendait pas une augmentation quelconque du nombre des éléments ; un phénomène, selon lui, est plus compliqué qu’un autre quand, outre les propriétés manifestées par ce dernier, il manifeste une propriété nouvelle, irréductible à aucune des propriétés connues.

Quant à la classification même proposée par M. Spencer, M. de Roberty la soumet ensuite à une critique vigoureuse et serrée qui est une des fortes parties de l’ouvrage, réserve faite de certains arguments qu’il conviendrait d’éviter. Cependant la divergence entre l’ordre de « l’évolution cosmique » et l’apparition successive des phénomènes