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REVUE PHILOSOPHIQUE

social. Tel était déjà le point de vue de Comte qui combattait avec énergie au nom de la « positivité » la réduction de la biologie à la physico-chimie, se fondant sur l’impossibilité ou l’on est de déduire les phénomènes successifs de l’évolution sociale de la seule connaissance des lois individuelles, M. de Roberty accepte entièrement ces conclusions, tout en reconnaissant que les divisions établies entre le phénomènes sont toujours approximatives, Car tout se tient et s’enchaîne dans la nature. Et à ce sujet, avec unie sincérité tout à son honneur, il reporte la véritable importance de la réforme opérée par Comte plutôt à la méthode qu’aux théories : « J’accepte la classification d’Auguste Comte, mais je me refuse à y voir un principe supérieur de la philosophie positive, un principe qui puisse aller de pair avec le seul principe qui soit propre où particulier à cette philosophie, le principe de l’expérience. » Les résultats peuvent varier avec les progrès des sciences, la méthode seule les prépare et leur survit. Il serait à désirer que tous les positivistes comprennent ainsi la doctrine et professent là même indépendance d’esprit à l’égard de théories trop facilement érigées en dogmes et que les faits peuvent un jour contredire.

Deux facteurs nouveaux interviennent dans les phénomènes sociaux et s’opposent à ce que l’on déduise ceux-ci des phénomènes individuels : l’association dans l’espace et l’évolution dans le temps. À ces deux faits nouveaux on a essayé de donner une explication biologique, une explication psychologique et enfin une explication sociologique. Nous avons parlé de la première ; quant à la seconde, elle consisté à chercher la raison de la société dans les faits psychiques. Cette explication à d’abord le défaut de séparer les faits psychiques dés faits biologiques. De plus, elle est le type du raisonnement à priori ; de ce que l’influencé des faits psychiques domine dans la société, on veut y voir la causa causans de la société elle-même. Par un raisonnement analogue on arriverait à attribuer les phénomènes chimiques aux activités physiques qui s’y mêlent, où les phénomènes biologiques aux affinités chimiques. L’explication sociologique est au contraire fondée sur l’expérience ; on la doit à Comte. Deux ordrés de faits ont ici une importance capitale : le concours dans tous les phénomènes sociaux d’éléments indépendants, tandis que dans les phénomènes biologiques et dans les phénomènes psychologiques le concours résulté d’éléments matériellement liés ; d’autre part, la filiation historique où influence du passé sur l’avenir. Le premier fait n’est vrai que d’une vérité relative, et l’indépendance des éléments n’est jamais complète, Le second au cons traire est un fait irréductible et dont on ne saurait exagérer la part dans le développement des sociétés. « La condition fondamentale qui produit l’évolution du genre humain, a dit M. Littré, est la faculté qu’ont les sociétés de créer des ensembles de choses qui peuvent et qui doivent être apprises… Le procédé sociologique n’a rien de commun avec Ie sélection biologique. Les sociétés sont stationnaires quad là sommé