Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
ANALYSES. — A. DE ROBERTY. La Sociologie.

de ce qui doit être appris reste la même ; elles rétrogradent quand cette somme diminue, elles avancent quand cette somme grossit. »

Si la sociologie n’est ni une annexe ni une extension de la psychologie, elle n’en a pas moins avec cette science d’étroits rapports. Un dilemme fondamental se pose d’abord : ou les faits psychiques se rattachent entièrement à la biologie, et l’influence de la psychologie sur la sociologie est celle de la biologie elle-même ; ou ils forment un ordre séparé, et il faut étudier leurs rapports avec les phénomènes sociaux. Nous sommes ainsi amenés à discuter les titres de la psychologie et la nature des faits psychiques. La question, on le voit, n’est pas nouvelle ; mais la solution proposée est peut-être ce qu’il y a de plus original dans l’ouvrage. L’École anglaise, avec Stuart Mill, avait de bonne heure protesté contre l’exclusion de la psychologie dans la classification d’Auguste Comte, et lui-même, vers la fin de sa vie, était revenu sur son arrêt. Aujourd’hui, il semble que l’accord tende à se faire entre les philosophes, et quelle que soit la place que l’on assigne à la psychologie, on ne peut nier que l’étude des faits physiologiques et l’étude des faits psychiques ne restent isolément insuffisantes, et qu’il ne soit nécessaire de les compléter l’une par l’autre, S’il est vrai d’autre part que la distinction entre les conditions objectives et les conditions subjectives soit illusoire, puisqu’en définitive la connaissance de l’objet est l’œuvre du sujet, on peut toutefois se demander si, les notions une fois acquises sur l’objet et sur le sujet, il n’y a pas une subordination naturelle et nécessaire entre elles. Quoi qu’il en soit, ceux qui voient dans les faits psychiques des phénomènes d’un ordre spécial plus compliqués que les phénomènes biologiques et plus simples que les faits sociaux ont tenté d’expliquer par eux le développement de la société, et cette conception a été la cause de leur insuccès. Néanmoins M. de Roberty ne fait ici encore nulle difficulté de reconnaître que cette hypothèse de l’irréductibilité des phénomènes psychiques n’a rien d’impossible, et l’avenir décidera si Comte a eu tort ou raison de la repousser. Mais, à ses yeux, l’homme est le produit de deux facteurs, les conditions biologiques et les conditions sociales aidées de l’évolution historique. Aussi les faits psychiques sont-ils plutôt le résultat de l’action combinée de ces deux conditions que des éléments irréductibles et nouvellement apparus dans le développement historique des êtres. « Notre hypothèse tend à regarder les faits hyperorganiques de la pensée et du sentiment non comme des phénomènes biologiques, ni comme des phénomènes sociaux, encore moins comme des phénomènes psychiques dans le sens ordinaire qu’on attache à cette désignation mais comme des phénomènes bio-sociologiques, c’est-à-dire comme des phénomènes qui dans le monde organique jouent un rôle et possèdent une valeur scientifique analogues au rôle et à la valeur scientifique appartenant dans le monde inorganique à certains groupes de phénomènes physico-chimiques tels que le groupe géologique et le groupe météorologique. » Les forces biologiques et les forces sociologiques se rencon-