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ANALYSES. — WILLIAM WALLACE. Epicureanism.

Épicure une sorte de culte qui devint une véritable religion. Enfin l’auteur passe en revue les principaux documents de l’épicurisme ; on sait que les auteurs à consulter sont Lucrèce, Diogène Laerce, Cicéron, Sénèque, Plutarque, Stobée, Athénée. Épicure fut un des écrivains les plus féconds de l’antiquité : c’est peut-être pour cela qu’aucun de ses ouvrages n’est parvenu intégralement jusqu’à nous. La clarté était la qualité, la redondance le défaut de son style ; prédicateur de morale, il se répétait, jusqu’à ce qu’il eût gravé profondément dans les esprits les grandes lignes du système. Ce n’est pas un des côtés les moins intéressants du livre de M. Wallace, que l’usage qu’il fait des « Volumina Herculanensia ». C’est avec un certain respect qu’on lit des lignes comme celles-ci, où l’induction est pressentie et indiquée : « Comment pouvons-nous passer de ce qui apparaît à ce qui est caché ? Faut-il embrasser toute la série des apparences ou seulement quelques-unes ? Le premier procédé est impossible, pour le second… » Ici, dit l’auteur, le papyrus nous laisse dans l’embarras !

Nous arrivons à l’exposé de la doctrine considérée en elle-même. Voici les traits généraux du système : c’est une doctrine populaire, étrangère aux plus hautes spéculations, indifférente aux études ardues et à la culture raffinée de l’esprit. Ce qu’elle promet, ce n’est pas la science, c’est la délivrance et le bonheur. La vie était remplie de vaines erreurs : la jalousie et la méchanceté des dieux planant sur la race humaine ; les supplices du Tartare placés comme des épouvantails au delà du tombeau, voilà ce dont elle veut nous affranchir à jamais. Et quel service rendu à l’humanité ? Son but est l’utile ; par suite, elle proscrit les vaines recherches des savants et les subtilités épineuses des philosophes, puisque le meilleur oreiller pour une tête bien faite, c’est sinon le doute et l’incuriosité, du moins le calme et l’indolence. « La raison n’est pas une captive de facto, comme disaient les platoniciens, ni une souveraine de jure, comme le voulaient les stoïciens. » Il ne s’agit ni de la délivrer ; elle n’est rien sans le corps ; ni de lui donner l’empire, le corps n’est rien sans elle : il s’agit de les conduire l’un et l’autre au bonheur qui doit être goûté par l’homme tout-entier, corps et âme. Les plaisirs de l’âme ne sont-ils pas des souvenirs des plaisirs du corps, et ceux-ci n’empruntent-ils pas à l’âme, à l’intelligence, à la conscience tout ce que fait leur prix et leur durée ? Conséquence : si le bonheur est le seul but de la philosophie, si le philosophe a pour tâche unique d’être « l’architecte de la vie heureuse », qu’il ne s’attache à la science de la nature (physique) et à la logique (ou canonique) que dans la mesure où ces sciences contribuent au bonheur.

Le principal but de la physique sera d’éliminer les dieux et de supprimer les enfers. La théorie du monde est toute mécanique ; pour le construire, Épicure ne demande pas de la matière et du mouvement, mais des atomes et de la spontanéité. La notion d’atome a pour origine première les sens, la notion de spontanéité (le clinamen) doit être rap-