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ANALYSES. — J. VEITCH. The Method of Descartes.

de Stuart-Mill : « Les suppositions ou hypothèses dont les propositions géométriques sont déduites sont si loin d’être nécessaires qu’elles ne sont pas toujours vraies, » M. W. Wallace résume sa pensée sur toute cette logique et cette psychologie quand il dit : « Comme certains systèmes modernes, sous prétexte que le Je pense et le Je veux accompagnent toutes nos perceptions, les épicuriens se sont crus autorisés à supprimer le moi… Si j’ai bien compris Épicure, il a simplement ignoré le moi et la conscience pour ne considérer que la réalité externe. Il a pris l’attitude de la science, et non l’attitude de la philosophie… À cette question : « Que sommes-nous ? » il répond que nous sommes ce que nous voyons et ce que nous pourrions voir si notre vue était plus perçante. Chacun de nous est un objet de vision sensible et intellectuelle ; que le moi soit aussi un sujet, c’est ce qu’il ignore. »

Le dernier chapitre, qui renferme une esquisse intéressante de l’histoire de l’épicurisme dans l’antiquité, au moyen âge et dans les temps modernes se termine par l’appréciation suivante qui semble être le jugement définitif de l’auteur : « Ce que l’épicurisme enseigna, ce fut l’unité et l’harmonie de la nature humaine ; son but était d’en faire un tout complet en soi et indépendant des influences extérieures. Son optimisme souriant et grave à la fois ne jetait pas les yeux au delà de la vie présente et espérait, à l’aide la raison, en faire un paradis. L’épicurisme ignorait beaucoup de choses, mais en acceptant franchement les réalités de la vie humaine et les lois de la nature universelle en insistant sur l’amitié et la fraternité comme principal agent du progrès moral, en rejetant l’ascétisme qui fait de la peine une doctrine, l’épicurisme proclama des éléments de vérité que le monde ne pouvait plus oublier. » On voit que l’auteur de l’élégante et savante étude que nous venons d’analyser, malgré des jugements sévères sur certains points de doctrine, rend pleine justice au système et le juge avec impartialité et sympathie.

A. B.


John Veitch, The method, meditations, and selections from the principles of Descartes, translated from the original lexts, with a new introductory essay, historical and critical. Edinburgh and London, 1879.

La philosophie de Descartes a été, en ces dernières années, l’objet d’importantes études en Angleterre. Une des plus remarquables, celle même où se décèle l’effort le plus heureux pour saisir la pensée entière de notre philosophe, est sans contredit l’introduction placée par M. John Veitch en tête de la 6e édition de sa traduction d’œuvres choisies de Descartes. Ce morceau, long de 181 pages, peut se diviser ne deux parties, l’une consacrée à Descartes lui-même, l’autre à la lignée des philosophes cartésiens. C’est la première surtout qui fixera notre attention,

M. Veitch aborde la philosophie de Descartes par le Cogito ergo sum. Cette proposition célèbre est à coup sûr le début de sa métaphysique.