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tion de la matière, — ce qui est mobile dans l’espace. Mais je ne me propose pas d’étudier l’origine et la formation d’un tel concept j’ai à établir qu’il n’est pas empiriquement démontré, qu’il n’est pas nécessaire à priori.

Qu’une démonstration empirique fût bien loin d’être même ébauchée à l’époque de Kant, cela résulte immédiatement de ce que la chimie n’était nullement constituée ; Kant exclut par suite de l’ensemble des phénomènes qu’il considère comme pouvant être étudiés d’une façon réellement scientifique, c’est-à-dire mathématique, tous les phénomènes de l’ordre chimique et biologique. Cette exclusion tranche la question en ce qui le concerne.

À la vérité, nous n’en sommes plus au même point, et la constitution des théories chimiques a paru donner une confirmation inattendue à l’hypothèse atomique, c’est-à-dire en fait à la forme la plus précise de la conception de la matière que nous examinons. Mais quand même cette hypothèse se prêterait à l’explication d’un bien plus grand nombre de faits qu’elle ne s’y prête en réalité, il est trop clair que toute tentative de l’établir empiriquement ne peut au plus que prouver sa plus grande commodité, et qu’il restera toujours en question de savoir si les choses ne peuvent se représenter autrement sans entraîner de contradiction.

Nous sommes donc renvoyés aux considérations à priori, aux conditions nécessaires de l’expérience et de la connaissance ; or, il est facile de reconnaître, en se bornant d’ailleurs à l’examen de phénomènes d’ordre purement physique, que ces conditions n’impliquent nullement l’hypothèse atomique.

Au temps de Kant, la théorie dominante pour expliquer les phénomènes lumineux était la théorie de l’émission ; d’après cette théorie, la matière de ces phénomènes serait donc constituée par ces particules que le soleil, par exemple, était supposé lancer dans toutes les directions avec une vitesse de translation très considérable. Aujourd’hui dans la théorie de l’ondulation, cette matière sera au contraire constituée par les molécules du milieu éthéré, animées de vibrations très rapides, mais de très faible amplitude.

Qui ne voit que chacune de ces théories ne représente qu’une des façons possibles d’imaginer les choses par analogie avec les phénomènes de transport d’ensemble d’où est dérivé le concept atomique ? Mais quelle nécessité à priori nous condamne à imaginer une pareille analogie ?

En réalité ce qui se meut ici pour nous, c’est la lumière, c’est-à-dire une possibilité de sensation ; on peut même faire une concession plus grande, en admettant un transport de force vive, c’est-à-dire de