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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

plus en plus forte et le sentiment devient de plus en plus violent. La passion n’est que l’extrême degré de ce développement.

On remarque cette période d’évolution dans tous les sentiments, dans tous les désirs, les plus insignifiants comme les plus importants, quand les circonstances sont analogues à celles que je viens d’indiquer. Nous voyons toujours le désir croître à mesure que la tendance devient plus forte ; nous voyons toujours les forces psychiques être absorbées par la préoccupation qui devient dominante, au point que le désir finit par occuper, au moins à de certains moments, à lui seul, tout le champ de la conscience.

Mais ce ne serait pas exprimer complètement l’évolution du sentiment que de se borner à dire que le sentiment devient plus fort ou plus vif. D’autres caractères sont aussi importants. La force nerveuse accumulée sous forme de tendance et qui ne peut se dépenser comme elle le ferait naturellement sans les obstacles qui s’opposent à la satisfaction du sentiment, se porte ailleurs et donne naissance à des phénomènes d’une autre nature et diverses selon les cas (phénomènes psychiques, sentiments secondaires, idées, images : — phénomènes de la vie organique, accélération ou ralentissement des battements du cœur et du rythme de la respiration, phénomènes de la vie de relation gestes divers, et phénomènes complexes : rire, expressions d’émotions, caractères divers de la physionomie, etc.), par ces phénomènes, autant de tendances se manifestent et par leur fonctionnement plus ou moins hésitant autant de nouveaux petits sentiments secondaires sont produits qui viennent s’associer au sentiment primitif et le modifier en se fondant avec lui. C’est surtout, en ce cas, aux phénomènes psychiques qu’il faut attribuer de l’importance, l’imagination, la pensée, les sentiments secondaires éveillés ainsi, les impressions extérieures qui nous surprennent pendant ces réflexions et viennent se combiner avec elles en leur donnant et en recevant d’elles une teinte affective spéciale, tous ces phénomènes réunis agissent sur le sentiment, le rendent plus complexe, et le transforment de différentes manières. Ainsi l’amour pourra s’accompagner de jalousie, ou de désespoir, ou d’admiration plus ou moins marquée pour telle ou telle qualité de la personne aimée, ou de mille autres sentiments qui peuvent se combiner entre eux, et ainsi se produisent des variétés de sentiment telles que le sentiment varie d’une personne à l’autre et que l’amour par exemple n’est peut-être pas le même chez deux hommes ou chez deux femmes, tout en conservant chez l’homme et chez la femme, et même chez tous deux à la fois, certains caractères généraux qui ne l’abandonnent jamais.

Mais une autre cause de l’évolution et du changement du sentiment,