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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/24

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c’est une science humaine, l’autre science est une science divine. De plus, elle nous donne sur la nature l’empire que nous avons besoin d’avoir, en nous permettant de produire à notre gré certains phénomènes par la mise en jeu des antécédents dont ils dépendent par rapport à notre mode de connaissance. Du reste, les causes, les lois, les généralités de tout ordre, ne sont pas seulement des exigences de notre pensée, légitimes peut-être, mais auxquelles rien ne correspondrait dans la réalité en soi : c’est au contraire la nature elle-même qui les donne ; car, si elles demeuraient étrangères à la nature, la nature ne nous fournirait pas à tout moment la justification des prévisions que nous fondons sur elles.

Et maintenant nous pouvons, ce semble, nous rendre compte de ce qu’est le mouvement. Le mouvement est une loi de la nature, la plus abstraite et la plus générale de toutes les lois de la nature, la loi de laquelle toutes les autres lois procèdent, et à laquelle elles se rapportent. On veut aujourd’hui que toutes les lois de la physique et de la chimie soient réductibles aux lois de la mécanique, et l’on a raison. Mais il importe de ne pas perdre de vue que le caractère qu’on attribue aux lois physiques ou chimiques d’exprimer la nature et les besoins de notre constitution mentale plutôt que les principes vraiment constitutifs des phénomènes, est encore le caractère des lois mécaniques elles-mêmes.

S’il en est ainsi, quel rôle va jouer le mouvement dans l’explication des phénomènes de la nature ? Tout d’abord, nous n’avons, comme on vient de le dire, absolument aucune raison pour rejeter la théorie, aujourd’hui courante, d’après laquelle les lois physiques ou chimiques sont des explications purement empiriques, et seulement provisoires des phénomènes naturels, et doivent un jour céder la place aux explications mécaniques, seules rationnelles et définitives. Nous pouvons même aller plus loin encore, et concéder que l’explication d’un phénomène concret par des mouvement réels, conformément aux lois abstraites de la mécanique, est toujours susceptible d’être poussée aussi loin qu’on le veut. Mais ce que nous n’accorderions pas c’est que, dans cette marche régressive, l’esprit trouve autre chose qu’une explication de plus en plus étendue du phénomène considéré, et qu’il constitue, chemin faisant, une explication progressive de phénomènes différents, ce qui le conduirait à la limite, c’est-à-dire dans l’infini, à la possession d’une formule embrassant la totalité des phénomènes de l’univers, et lui permettant de déterminer, comme dit Du Bois-Reymond, quel était le Masque de Fer, et comment périt le Président. La mécanique céleste, à laquelle on se reporte toujours pour y trouver un exemple et un