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Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 33.djvu/25

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ch. dunan. — le problème de la vie

appui, ne justifie assurément aucune espérance de ce genre. Tout ce à quoi elle peut prétendre, c’est une détermination de plus en plus exacte des mouvements des astres, grâce à une considération de plus en plus étendue des causes qui ont action sur eux. Il en est de même pour la mécanique moléculaire. Les atomes sont à la fois des aspects de l’existence universelle et des points de vue de l’esprit, comme les astres : leurs rapports entre eux sont régis par les lois mécaniques ; mais ce que ces lois déterminent ce sont uniquement leurs directions, leurs vitesses, leurs situations respectives. Vouloir aller au delà, et obtenir des résultats d’un autre ordre, serait manquer à la science et à la métaphysique tout à la fois.

Ainsi le mécanisme est une hypothèse à laquelle il n’est pas permis de recourir pour expliquer la constitution des êtres organisés et vivants. Nous avons dit que cette hypothèse se double nécessairement d’une autre, celle de la finalité. Nous devons maintenant passer à l’examen de cette dernière, et l’étudier pour elle-même. Mais, comme elle implique la première, nous aurons, pour pouvoir la discuter, à mettre de côté toutes les objections que nous venons de formuler contre le mécanisme, et à le considérer comme une théorie bonne et valable, puisque, du moment qu’on le rejette, la question de la finalité ne semble plus pouvoir même être posée.

III

Si, dans la doctrine de Leibniz, c’est sur la loi du mécanisme que reposent l’unité du monde et la possibilité de la pensée, c’est sur la loi des causes finales que reposent d’abord l’existence d’individus, c’est-à-dire d’organismes partiels et pourtant complets à leur manière, au sein du grand organisme total ; puis le fait que ces individus, dont la multiplication possible paraît indéfinie, peuvent se ramener à ces types généraux qu’on appelle leurs espèces ; puis enfin cet autre fait que les espèces elles-mêmes ont une fixité au moins relative, et peuvent être considérées comme des lois constantes de formation pour tous les individus qui doivent y être compris. Or il est permis de se demander si la loi des causes finales peut bien rendre compte de ce triple fait.

Il est en philosophie et dans les sciences un principe essentiel, c’est qu’une cause doit toujours pouvoir se déterminer autrement que par la production de son effet. Par exemple, si j’assigne à un phénomène telle cause, et qu’il me soit impossible de rien dire de